L’accouchement est politique

Un soir, lors d’une réunion avec le collectif de la Maison de Naissance, alors que nous élaborions un programme pour un évènement, nous débattions du sujet d’une intervention « Pourquoi les femmes ont peur d’accoucher? ». L’une des filles a balancé « On ne va pas tenir 2h sur ce sujet, c’est évident, c’est à cause du patriarcat ». Ce à quoi les 7 autres femmes présentes (dont moi) ont acquiescés. Et puis une autre a retorqué  » Mais on ne peut pas dire ça comme ça, ça froisserait trop l’opinion populaire ». Ce qui était une vérité tirée de notre expérience à nous 8, notre expérience de femme privilégiée, ne correspond pas la vérité collective. Pourquoi privilégiées? Car préparées à l’accouchement dans la confiance et la bienveillance, avec deux sages-femmes présentes à la naissance de leur bébé. Là juste pour les encourager, leur masser le dos et croire en elles. C’est donc cela que j’ai voulu décortiquer, comment arriver de façon argumentaire et factuelle à l’intuition de mon corps et mon cœur: Celle que l’accouchement tel qu’il est pratiqué aujourd’hui en France est hérité d’une vision patriarcale sur le corps des femmes et leurs compétences.

Si vous me suivez depuis un moment, vous devez savoir que je suis mobilisé pour l’existence des maisons de naissance en France depuis plus de deux ans maintenant. Je vous ai déjà parlé de cet engagement à plusieurs reprises, mais précisément dans cet article. Pendant tout ce temps, j’aurais eu envie de vous détailler le pourquoi du comment, de vous expliquer en quoi c’est important, et pourquoi militer pour un accouchement est bien moins simple et superficiel qu’il n’y parait…

Mais j’ai longtemps ravalé cette envie, par peur d’être mal comprise, de devoir sur justifier mon propos. De plus, j’avais du mal à organiser un argumentaire solide, je savais précisément la conclusion de celui ci, mais il maquait des maillons à mon raisonnement, il me maquait un peu de connaissance sur le sujet en somme. Que je ne pouvais pas uniquement m’appuyer sur l’expérience de l’accouchement, il me fallait des données scientifiques pour étayer mon propos.

Et puis récemment, à force de lectures et discussions, j’ai réussi à rattacher les chainons de ma réflexion, et tout d’un coup je me suis rendue compte que je pouvais vous l’exposer ici.

Sortir de la vision intime de l’accouchement pour comprendre les enjeux culturels de l’accouchement

Evidemment la naissance de son enfant est hautement intime, et d’ailleurs je milite, vous le savez, pour que chaque femme puisse vivre ce moment en totale adéquation avec son histoire et sa volonté pour accéder à une expérience absolument personnelle et unique. L’accouchement est profondément intime, la physiologie de corps de la femme permet même d’accéder à un état d’ailleurs qui est unique, naturel, animal (n’ayons pas peur des mots) et donc à l’opposé de ce que l’on peut appeler la culture.

Tout cela est indéniable et mon propos ne vise pas du tout à retirer le caractère personnel de la rencontre qui se joue en ce moment si intense. Mais aujourd’hui ce n’est absolument pas l’expérience personnelle que je veux analyser c’est le système de pensée et les moyens matériels qui encadrent l’accouchement dans notre culture. Si je prends le temps de préciser tout cela, c’est parce que l’accouchement reste aujourd’hui encore un sujet trop sensible et très tabou. Et que j’ai tout simplement peur des réactions qui pourraient être les vôtres si mes mots venaient à être mal interprétés.

Bien que l’accouchement soit profondément intime il est également profondément universel… Il existe d’ailleurs peu de sujets qui le soient autant. L’accouchement existe en tout temps et en tout lieu, il va concerner la plupart des femmes en âge de procréer, et c’est en cela que c’est également un sujet de société.

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Le cas français

Souvent, surtout lorsqu’on parle d’accouchement, on va être tenté de comparer ce qui se fait ailleurs… Mais il faut avoir conscience que la France a une histoire toute singulière avec l’obstétrique. Et que donc notre culture guide profondément notre vision et les choix politiques faits autour de la naissance.

En France, écoutez donc le mot « accoucher », on entend « coucher » quand tous les pays autour de nous on parle plutôt d’enfantement, de mise au monde. Une position (allongée) et une attitude (passive) qui imbibe jusqu’à notre langage. C’est comme ces abus de langage qui en dit long « mon gynéco m’a accouché », « un contrôleur de la RATP accouche une femme en urgence »…. Rappelons tout de même qu’à l’hôpital comme partout sur terre c’est la femme qui accouche.

Mais un mot qui représente bien les faits, puisqu’en France 89% des femmes accouchent aujourd’hui sur le dos (95% au moment de la sortie du bébé), ‘la french position’ on appelle ça dans d’autres pays, notamment outre atlantique. La « position gynécologique » qui facilite le travail du soignant donc, mais absolument pas celui de la femme.

Un peu d’histoire

Allez on reprend l’histoire chronologiquement: Comme partout dans le monde les femmes françaises ont accouché chez elles, parfois seules mais le plus souvent accompagnée de femmes, tout d’abord de « sage-femme », en tout cas de femmes ayant une expertise particulière sur le corps des femmes et l’enfantement jusqu’à la fin du Moyen Age, qui marqua le début de la chasse aux sorcières. Ces femmes qui avaient des compétences sur le cycle féminin, le passage du bébé dans le bassin ont fini sur le bûcher. Par qui ont elles été remplacées? Par les « matrones », à savoir des femmes détachées du clergés avec une vision du corps et de la femme comme impur et aucune compétence sur l’accouchement.

Effectivement à cette époque la mortalité des femmes et des bébés était plus importante que ce que nous connaissons aujourd’hui. Et les motifs de mortalité ont pu être réduit par la médecine, par la science. Cela prouve donc que c’est bénéfique d’avoir des compétences médicales pour surveiller un accouchement. Par là même je confirme que je suis pour que l’accouchement soit accompagné d’une compétence médicale, bien que je ne critique pas les femmes qui en toute connaissance de cause choisissent d’accoucher seule.

Après la seconde guerre mondiale, l’accouchement à domicile est diabolisé et l’accouchement à l’hôpital et devenu gratuit. Et cela n’a interrogé aucune féministe qui à cette époque militaient pour le droit d’avorter.

Depuis les années 60 le paysage de la naissance a radicalement changé, et on a vu apparaitre une réelle volonté de médicaliser l’accouchement, et de directement intervenir sur la physiologie, c’est à dire sur la façon dont la femme se mettait en travail et poursuivait se cheminement jusqu’à avoir son bébé, par la position, l’injonction du col qui doit se dilater d’un cm par heure, l’épisiotomie, le déclenchement, les ajouts d’hormones de synthèse etc. Pourtant la mortalité maternelle a été réduite surtout par les changements de conditions de vie et l’apparitions des antibiotiques. Au 20eme siècle on a pu réduire le risque de 1000/100 000 à moins de 80/100 000 grâce à la connaissance microbienne. C’est à dire grâce à l’hygiène, au fait de se laver les mains et notamment entre une autopsie et un accouchement.

Puis la médicalisation a été revue et technisée, absolument pas pour réduire des risques médicaux mais pour standardiser, pour industrialiser les pratiques sur un modèle économique, capitaliste, celui d’avoir un minimum de soignants, de frais et maximum de rendements. D’ailleurs depuis les années 60 malgré le développement de moult protocoles autour de l’accouchement la mortalité des femmes au moment de l’accouchement n’a pas beaucoup (voire pas du coup) diminué. On est certes aujourd’hui à un taux de 10/100 000 mais en 1960 était comptabilisé les personnes décédées d’un avortement (qui rappelons le était illégal). Savez vous que, pire, en France nous avons le taux de mortalité de bébé à la naissance le plus haut d’Europe? Alors que nous sommes un des pays où l’accouchement est le plus technisé.

Finalement quand on critique la sur-médicalisation, ce qu’il faut voir c’est vraiment l’industrialisation, et non la science. Puisque la médecine telle qu’elle est pratiqué aujourd’hui pour les naissances n’est pas en adéquation avec la science, mais avec une logique capitaliste d’offre et de demande, de rendement et de places. Il faut avoir pleinement conscience que les protocoles autour de la naissance sont plus influencés par le rendement que par la science. Il y a d’ailleurs des protocoles contraires à l’Organisation Mondial de la Santé ou aux recommandations de la Haute Autorité de Santé. Et il y a de graves incidences aux différentes cascades protocolaires qui augmentent des risques obstétriques. Par exemple il y a un lien avéré entre l’injection d’ocytocine de synthèse pour accélère le travail et les hémorragies de la délivrance. Il y a un lien avéré entre la position gynécologique et la stagnation du travail et donc l’utilisation d’instrument.

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Les femmes ne savent plus accoucher?

Ces quelques décennies d’industrialisation de la naissance ont eu des répercussions immenses sur notre culture, notre façon de penser l’accouchement, le corps des femmes et leurs compétences. Les femmes ont perdus la confiance en leur corps, elles ont perdus de vue le pouvoir qu’elle détenait en elle. Et lorsque j’utilise le mot « pouvoir » je ne l’entend pas comme prendre le pouvoir sur quelque chose ou quelqu’un d’autre. Non j’utilise le mot « pouvoir » dans son sens le plus magique, comme super pouvoir un peu. Parce que les femmes sont bien les seules à savoir façonner la vie et la déposer au monde.

Ce n’est pas la faute des femmes, au contraire, elles en sont les victimes. La faute c’est celle du…. vous me voyez venir: du patriarcat et de l’industrialisation de la médecine.

Des exemples, je pourrais vous en donnez des centaines. Il y a les médecins qui infantilisent les femmes, les femmes entre elles qui se découragent, qui se font peur même. Mais il y a surtout la peur du risque: la peur de la mort. C’est extrêmement facile de tout faire accepter aux femmes, car il y a une vérité universelles, toutes veulent faire le meilleur pour préserver la santé de leur bébé et la leur. Les femmes ne sont plus informées des mécanismes et besoins de leurs corps pour enfanter, on pense avoir perdu cette compétences et devoir s’en référer au corps médical (une instance dominante et masculine).

Les femmes ont peur

Les sages-femmes étrangères désigne l’obstétrique Français comme une culture du risque. C’est à dire que l’enseignement des gynécologues et des sage-femme est basé sur la pathologie et non pas sur la physiologie, alors que 90% des grossesses et des accouchements sont sans pathologie. Il n’y a que en France qu’on qualifie un accouchement de normal a posteriori, alors que ce devrait etre a priori.

Alors forcement le prisme de ces professionnels est biaisé, il voit la complication alors qu’elle n’arrivera peut être jamais. L’accouchement est devenu dans l’esprit collectif un processus dangereux, où tout peut basculer d’une seconde à l’autre, et où il vaut mieux mettre son corps entre les mains de la médecine.

La question de l’animalité

Selon mes propres conclusions, les raisons d’une telle acceptation de masse des femmes au sujet de la naissance de leur enfant sont au nombre de trois:

  • Il y a la peur, évidemment la peur pour soi et son bébé. La peur c’est la meilleure arme pour la soumission.
  • Il y a le manque d’autres représentations… d’ailleurs cela ne vous questionne pas que 95% des femmes accouchent dans le même lieu et la même position. Alors même que nous revendiquons toutes notre unicité…
  • Et il a le problème de l’animalité. Cela nous renvoi directement à l’article sur l’écoféminisme. A la dualité culture/ nature. Les humains doivent se maintenir du côté de la culture. Et les femmes doivent toujours faire attention à ne pas glisser vers la force obscure de la nature, elles qui ont si longtemps été dénigrées car trop charnelles, en proie aux hormones, naturelles.

Les femmes qui accouchent aujourd’hui sont les héritières des combats féministes militants pour l’égalité des salaires, l’accès au pouvoir mais aussi la négation de leur physiologie féminine. Il y a une forme de honte, de malaise à se mettre à quatre pattes pour accoucher, à laisser échapper des râles de sa bouche. Avez vous remarquez d’ailleurs comme il est entendu de façon valorisante, le fait de ne pas crier lors d’un accouchement. Il est bien vu de conserver de la dignité et du contrôle.

Alors que rappelons le, nous sommes sur le dos, les jambes dans des étriers, le vagin à l’air… Est ce vraiment plus flatteur pour notre ego de femme bien civilisée.

La péridurale a-t-elle vraiment été inventée POUR les femmes?

La péridurale est extrêmement difficile à remettre en question car elle est perçue comme un outil au service des femmes et comme une avancée féministe. Cela tombe bien, je ne compte pas la remettre en question dans son usage individuel. Par contre, j’aimerais la questionner d’un point de vue sociétal.

La péridurale arrive très lentement dans les hôpitaux dès les années 70. Le taux de recours est passé de 3 % en 1980 à 82 % en 2016.
En Angleterre, où il est mal perçu par les sages-femmes, il évolue peu, avec un taux de 27 %, tout comme dans le cas de l’Allemagne, avec 24 %. À l’inverse, des pays tels que le Danemark ou les Pays-Bas ne l’utilisent que dans moins de 5 % des accouchements.

Selon une étude du CIANE de 2013, 78% des femmes souhaitant et ayant eu une péridurale en était satisfaite. 97% des femmes ne souhaitant pas la péridurale et n’e ayant pas eu étaient satisfaites. 68% des femmes sans avis sur la question ayant eu une péridurale étaient satisfaites, tandis que 96% des femmes sans opinion était satisfaites de ne pas en avoir finalement bénéficié. Je ne veux en aucun cas affirmer par là que cet analgésique est inutile, mais j’aimerais juste qu’on arrive à mettre en perspective la réalité de son utilisation face aux désirs et ressentis des femmes.

La péridurale est intéressante du moment qu’elle reste un choix. Cela n’est plus tout à vrai quand son taux de recours ressemble à une élection de dictateur. Au contraire ce taux démontre justement une absence de choix, lorsque quelque chose d’objectivement personnelle devient objectivement universel il y a une question de société à soulever selon moi. Ce n’est absolument pas une critique personnelle des femmes qui souhaitent la péridurale! C’est au contraire essentiel que cela reste dans le champ des possible, et non critiquable car ce qui est important c’est que les femmes puissent disposer des outils et méthodes qu’elles souhaitent, et qu’elles soient respectés dans leurs choix.

La péridurale a probablement été mise au point dans le but de soulager les femmes, par contre si aujourd’hui elle est devenue l’unique façon de faire c’est pour des raisons structurelles voire idéologiques.

La péridurale est devenue systématique uniquement pour alléger des services hospitaliers, pour réduire le personnel compétant. Et c’est un cercle vicieux, car à force de n’assister qu’à des accouchements sous péridurales certains professionnels n’ont pas ou plus les compétences d’accompagner les femmes qui souhaitent s’en passer… Donc c’est le serpent qui se mord la queue.

Pour poursuivre cette question du personnel, et des conditions dans lesquelles les praticiens exercent aujourd’hui, je vous laisse regarder cette très récente vidéo d’Anna Roy. (Et la pétition liée)

Les pires conditions pour mettre au monde son enfant

Michel Odent, comme toutes les sages-femmes et doulas pratiquant ou accompagnant des accouchements sans intervention décrivent les besoins de l’accouchement comme il suit. La femme a besoin de se sentir en totale sécurité affective, il faut donc qu’elle soit dans un endroit familier avec des personnes qui lui inspirent confiance. Pour que tout le processus naturel de l’accouchement se mette en route il va falloir qu’elle se recentre sur son corps sans trop être parasité par l’extérieur. Il faut donc éviter les lumières vives, les sollicitations, les allers et venus, de poser des questions. Si ces conditions sont réunies la femme va secréter deux hormones quasi magiques: l’ocytocine (l’hormone de l’amour, de plaisir, de l’attachement) et l’endorphine (une hormone analgésique). Ce cocktail hormonal est la clé du succès, mais il est fragile, si l’adrénaline intervient (l(hormone du stress, de la peur) tout se ralenti pour la femme. Pour que le bébé descende progressivement dans le bassin, puis le vagin, il faut que la femme puisse bouger et adopter les positions qui lui semblent confortable. La position allongée étant la moins efficace pour le bébé car pas de gravité et la plus inconfortable pour la mère. Le travail qui va durer plusieurs heures est communément comparé à un marathon… Il est donc important de boire et manger.

Ce qu’il se passe dans les hôpitaux en terme de naissance est donc à l’opposé des besoins de la femme. Et on ne peut pas dire que c’est une omission par ignorance. Des tas d’études sont réalisées sur ce sujet, la science explique le mécanisme de l’enfantement, la médecine française l’ignore.

La médecine française préfèrent combler les manques d’accompagnement affectif et matériel par des hormones de synthèse, des protocoles et des interventions.

Pourquoi c’est un enjeu féministe majeur?

La violence institutionnelle

A bien y réfléchir, je ne vois pas de lieu, de moment où le sexisme et la violence institutionnalisée contre le corps des femmes est autant présent et accepté… Et pourtant c’est très difficile à questionner. Il y a un fort tabou à remettre les pratiques médicales et industrielles de la naissance.

On pourrait même voir cette domination de façon double: sur les femmes qui accouchent, et sur les sages-femmes qui sont formées pour les accompagner… Que des femmes qui ont des compétences sur le corps féminins et qui sont encore aujourd’hui vus comme des sorcières, des êtres de chairs et de nature, qui crient et sont prises à leurs émotions.

Il n’y a que deux places pour les sages femmes aujourd’hui en France: soit être les petites mains d’un obstétricien, soit être des sorcières inconscientes qui exercent à domicile, en plateau technique ou en maisons de naissance. Elles en sont découragées par les établissements de santé, les obstétriciens et les montant exorbitants des assurances.

Quant aux femmes elle-même, j’ai la désagréable impression que nous sommes au point zéro du combat de réappropriation de notre corps. Vous allez me dire que j’exagère, qu’on parle de violences obstétricales aujourd’hui. Oui mais on évoque ces actes de façon marginal, les gynécologues parlent de cas isolés et ne remettent pas en question les pratiques et protocoles, on se confond en justifications vitales et on cherche les stigmates des femmes qui doivent se battre pour qu’on les reconnaisse comme victime. Mais il n’y a souvent ni cicatrices ni complications. Il n’y a pas besoin d’avoir subi un « point du mari » pour se plaindre d’une violence. Etre soumise à la position allongée est une violence, être privée d’eau et de nourrir est une violence, être traitée d’inconsciente si on refuse une déclenchement est une violence, subir un toucher vaginal sans consentement est une violence…
Aujourd’hui en France, les études prouvent qu’il n’y a pas d’intérêt à faire une épisiotomie, pourtant 60% des primipares en subissent une, et le plus souvent sans explication ni attente de consentement. Un toucher vaginal sans consentement est ni plus ni moins aux yeux de la loi un viol… pourtant il est totalement admis en les murs d’un hôpital.

Et puis il y a toute la violences des mots. Ceux qui accusent la femme de ne pas savoir pousser, d’avoir trop attendu pour venir, qui lui demandent de se calmer, de ne pas faire de bruits…

Mais la pire des violences, c’est probablement la moins palpable et la plus courante c’est celle du silence. Le manque d’information, la prise de décision pour la femme et son enfant, l’absence de consentement…

Marie Helene Dehaye nous donne sa définition qui me semble parfaite des violences obstétricales.

« tout comportement, acte, omission ou abstention commis par le personnel de santé, qui n’est pas justifié médicalement et/ou qui est effectué sans le consentement libre et éclairé de la femme enceinte ou de la parturiente. »

http://marieaccouchela.net/index.php/2016/03/09/quest-ce-que-la-violence-obstetricale/

La réappropriation de son corps

Si on met de côté la question de la violence, il reste que l’accouchement doit absolument être un motif de lutte féministe juste parce qu’il est nécessaire que les femmes se réapproprie leurs corps, le mécanisme de leur physiologie. Pourquoi n’apprend t-on pas au femmes à s’autoexaminer le col par exemple? Pourquoi le corps qui met au monde reste tabou? C’est inadmissible que les femmes et leurs partenaires n’aient pas accès à une information de qualité qui leur permettent de faire des choix éclairés, et qu’ensuite ces choix soient bien respectés. Il s’agit bel et bien de la base du respect pour les femmes et les enfants à venir. C’est également flagrant dans les cas de PMA, et d’IVG où les femmes se font balloter de services en services, subissant remarques et intrusions, sans jamais accéder à des informations claires qui leur permettent de faire des choix apaisés et respectés.
Savez vous que la Caisse de Sécurité Sociale se questionne d’ailleurs à supprimer les cours de prépa à l’accouchement, puisque toutes les femmes prennent la péri. De quoi faire encore quelques économies, et priver les femmes des informations (tantôt précieuses tantôt trop superficielles) qui y sont dispensé.

Conclusion

Il est essentiel pour moi, que la réalité de l’accouchement Français soient pris en compte par l’opinion publique, qu’on arrive enfin à le questionner tel qu’il se pratique aujourd’hui. Et surtout il est important que les femmes s’en emparent. Elles ont tout à gagner à s’approprier ce combat, car personne le fera mieux qu’elles. Bien évidemment les pères et partenaires peuvent également militer, et ça donnera plus de force à leurs arguments. Mais, pour une fois admettons que c’est un combat féminin qui vise à remettre les principales intéressées au cœur d’un mécanismes dont elles sont les seules actrices. Ce qui est en jeu est vraiment de retrouver la puissance qui leur est propre. Après cela, nous aurons tout loisir de nous battre pour une meilleure reconnaissance des pères dans les maternités (et dans notre culture tant qu’à faire)

Je ne vais pas vous mentir, ma démonstration est forcement orientée en fonction de mon expériences et mes convictions, je ne prétends pas faire un exposé parfaitement objectif, et vous comprendrez aisément que je défends l’accouchement physiologique. Mais ne vous méprenez pas sur mes intentions, je ne le défends que pour les femmes qui le souhaite. Je suis une fervente défenseuse de cette liberté des femmes à disposer de leur corps. Je suis donc évidemment POUR les accouchements très médicalisé si c’est le choix de la future maman. Et au risque de choquer je suis également POUR les césariennes dites de convenance si c’est le choix de la femme. Il y a mille raisons pour une femme de préférer une césarienne et elles doivent également être entendues.

Sources:

Document sonore: Vous avez dit ‘acoucher’

Accouchement, les femmes méritent mieux Marie Hélène Lahaye

La Naissance en BD Découvrez vos super pouvoirs Lucile Gomez

Webinaire sur les maisons de naissance

Un Podcast à soi Le gynécologue et la sorcière

C’est mon corps Martin Winckler

Sorcières la puissance invaincue des femmes Mona Chollet

J’ai également découvert qu’un livre portait le nom de mon article, mais je ne l’ai pas lu.

34 réflexions au sujet de « L’accouchement est politique »

  1. Quel magnifique article et plaidoyer ! J’aimerais que tous tes écrits soient infiniment plus relayés ! Ca fait tellement de bien de lire tes articles longs, fouillés, construits et dans lesquels tu livres une vision vraiment personnelle des sujets que tu abordes.
    En te lisant, je me suis dit qu’il y avait un parallèle entre l’histoire de alimentation et celle de l’accouchement. Comment les choses se sont industrialisées, la place du rendement, l’hygiénisme au nom de la santé, la dépersonnalisation… On s’est perdus dans le mirage du « partout pareil ». Là aussi, il est urgent de se réapproprier son corps, ses envies (pas celles des pubs ou de la « propagande » 5 fruits et légumes, etc.).
    Pour en revenir à l’accouchement, oui le poids du patriarcat est FOU. Et il faut que ça cesse. Merci pour cet article.
    Et sinon, j’aime beaucoup ton collage de début d’article !

  2. Merci pour cet article, il me parle et ça résonne très très fort en moi.
    En répondant à tes questions sur intagram sans avoir lu ton article je vois que nous avons vraiment la même vision.
    Je voulais déjà te conseiller deux sources qui m’ont été très instructive:
    – le podcast de Papatriarcat avec Ingrid Bayot qui traite de l’allaitement principalement mais qui a tout à voir avec l’accouchement. Elle explique la totalité des faits anthropologique qui ont amené à ce que l’allaitement devienne une marge de la société et pourquoi les femmes accouche de cette façon aujourd’hui et aussi sur quelle base est née la puériculture.
    – « Au monde » de Chantal Birman, perso il m’a pas mal chamboulé mais elle explique très bien entre autre comment les sages-femmes sont elle même victime du système
    Je retiens aussi deux phrases d’Anna Roy dans le podcast de la Matrescence (je n’ai plus la formulation exacte) « la façon dont naissent et partent les êtres en dit long sur la société à laquelle ils appartiennent » et « si les conditions de naissance et de travail des sages-femmes sont peu prise en compte par les pouvoirs publique c’est parce que c’est des « bonnes femmes » qui œuvrent pour des « bonnes femmes »  » J’ai adoré sont témoignages très sincère et authentique mais une phrase m’a interpellé elle dit à un moment « je regrette de ne pas pouvoir accouché les femmes que j’accompagne en libéral » et justement il faut choisir les bons mots et il est grand temps qu’on arrête de dire qu’on se fait accoucher !
    Après avoir accoucher j’étais tellement reconnaissante à l’équipe médical parce que beaucoup de mes choix ont été respectés MAIS avec le recul je me rend compte que je n’ai pas accouché dans la position que je voulais, qu’on m’a mis un masque sur le visage alors que ça m’était désagréable, qu’on m’a demandé de pousser alors que j’ai la certitude désormais que ce n’était pas le moment pour moi (d’où probablement une déchirure)
    Aujourd’hui je suis beaucoup plus informée et c’est un sujet qui me passionne au point que je vais changer de voie pour soutenir les femmes dans la grossesse et le post partum. Je sens que les femmes sont prêtes aujourd’hui à passer ce cap, on le voit dans l’appel d’Anna Roy, dans l’augmentation des demandes d’AAD et de maisons de naissance, dans l’explosion des formations pour devenir Doula…j’ai espoir !
    Et quand j’aurais la chance de pouvoir à nouveau accueillir une nouvelle vie je ferais le choix d’accoucher à la maison ! Je pense comme toi que chaque choix doit être respecté du moment qu’il est fait en pleine conscience.

    1. Merci pour ton commentaire et tes recommandations.
      Et oui comme toi, j’entends des voix s’élever au sujet de l’accouchement et c’est pourquoi c’était aussi le bon moment d’en parler pour moi.
      Concernant ton choix d’accouchement à la maison, je trouve que c’est génial! J’espère que tu trouveras en temps voulu une sage femme qui exerce de cette façon car c’est malheureusement très rare.

  3. Merci, merci pour cet article !! C’est extrêmement intéressant à lire, et cela vient confirmer par des faits, des tas de choses qui étaient des intuitions chez moi.
    J’ai accouché deux fois, à l’hôpital, sans péridurale.
    Je ne voulais pas de péridurale, car je voulais vraiment sentir tout ce qui se passait. J’avais l’impression que je le regretterai si je ne le faisais pas ainsi. Et j’avais la certitude que je pouvais le faire.
    Mon 1 er accouchement a été un rêve. j’ai été très accompagné par l’équipe de sages femme. Il y avait notamment une élève sage femme émerveillée de voir un accouchement naturel sans péridurale. Elles m’ont encouragé, on a ri entre deux contractions, c’était magique !!
    Le 2ème accouchement s’est fait dans une autre ambiance. J’en ai un beau souvenir, car j’ai vraiment bien géré le travail, mon mari est arrivé à temps.. bref, un bel accouchement. Mais l’équipe qui m’a accompagnée …. Les sages femmes étaient hyper stressées, gênées quand je criais, et me faisait sentir que le fait de ne pas avoir pris la péridurale était ma décision, et donc que j’aurai du l’assumer sans exprimer ma douleur en criant, sans avoir peur du tout … Bref, cela m’a donné l’impression que je gênais. Et j’ai trouvé ça tellement triste pour les femmes qui accouchent à l’hôpital (je n’étais même pas au courant à l’époque qu’il y avait des maisons de naissance) et surtout tellement tristes pour les professionnelles qui exercent leur métier de cette façons. Alors je te soutiens à 100% dans ton engagement !!!

    1. Ton témoignage est vraiment très intéressant. C’est très fréquent cette gène à déranger.
      Moi aussi je suis triste également pour les soignantes et notamment les sages-femmes qui sont maltraitées elles aussi dans cette industrialisation de la naissance.

  4. Merci pour ce bel article, il est criant de vérités. Il fait forcément écho à mon vécu, 2 accouchements totalement différent : le premier ou avec le recul j’ai subi un protocol, sans accompagnement, et au final péri, forceps, episio et l’impression d’avoir échouée. Échouée par rapport à mes envie de base à savoir accoucher sans péri mais aussi dans mon rôle de femme/de mère car je n’ai pas su mette au monde mon enfant toute seule. Et puis un 2eme accouchement ou j’ai pu reprendre les commandes parce que mieux informée et mieux accompagnée. Donc accouchement en plateau technique sans péridurale.Le bonheur a l’état pur…J’ai sus le faire ! Il ne s’agit là que de mon expérience, comme toi je ne prône que la liberté de choisir. J’aimerais que les femmes aient le choix en toute connaissance de cause et que se choix soit respecté par le corps médical et la société.

    1. Tout à fait, il est essentiel que les femmes aient le choix, que les alternatives existent véritablement ce qui n’est pas le cas en France. Et que leurs choix soient respectés

  5. J’ai mis du temps à lire l’article car E. gigotait et gazouillait sur son tapis à mes pieds ! Mais je suis heureuse de l’avoir lu car il me parle tellement. Je vais profiter de cet espace pour poser quelques mots sur ce que je ressens de l’accouchement en France (c’est aussi dans un de mes brouillons d’article de blog).
    Je trouve qu’en France, l’accouchement physiologique de la femme est pointé du doigt, est culpabilisant. Mais pour toutes les femmes : celles qui font le choix d’accoucher physiologiquement, et celles qui font le choix d’avoir recours à une péridurale (ou comme tu l’évoques à une césarienne dite de confort). Je suis lassée de devoir toujours justifier pourquoi j’ai fait le choix de mettre au monde mes enfants en maison de naissance, de ne pas prendre la péri. Petite anecdote d’ailleurs, pour la grossesse de J., j’avais rdv avec l’anesthésiste, rdv obligatoire (et je trouve ça normal) au cas où la naissance ne serait plus physiologique… Je m’installe sur le fauteuil et l’anesthésiste me regarde à peine me dit « bonjour, alors on se voit aujourd’hui dans le cadre de votre accouchement car bien entendu vu avez choisi la péridurale ! » NON ! NON, NON et NON ! J’ai choisi de ne pas l’avoir. Déjà, merci de regarder mon dossier « Maison de Naissance » et merci de ne pas partir du postulat que de base, je « choisis » la péri. Car justement, c’est un mensonge. Je suis intimement persuadée que le recours à la péridurale n’est pas un choix éclairé de la femme mais un choix induit par la société… C’est devenu une norme. Donc faut être dans la norme. Rentrer dans les cases. Et depuis toute petite, on te bassine les oreilles d’ailleurs avec cette fameuse péridurale… D’ailleurs, moi, c’est à cause d’elle que j’avais peur d’accoucher… depuis ma plus tendre enfance ! Les discours autour de moi ont impacté mon enfance et donc la suite de ma vie (de là à faire le lien avec mon infertilité… mais bon c’est un autre sujet). Bref. Je trouve qu’on nous souffle tellement à l’oreille depuis la naissance les bienfaits de la péridurale, qu’une fois enceinte, on ne peut choisir autre chose. Sauf si on est informé. Là, on peut choisir de façon éclairée, si oui ou non, on veut cette aide à la naissance.
    Et donc, pour finir l’anecdote, à la fin de mon rdv anesthésiste, ce charmant patriarche de presque 60 ans m’a saluée en me disant « à bientôt car vous allez sûrement changer d’avis ». Sûrement. Du coup, j’ai vraiment eu envie de l’insulter.
    Et donc, la suite de ma pensée… C’est que le poids de la société est dur sur les épaules d’une femme qui fait des choix : celui d’allaiter/de ne pas allaiter; celui d’accoucher à domicile, en MDN, en plateau technique/de demander une césarienne; celui de travailler/de prendre un congé parental… Et il est grand temps que ça change !

    1. Bonsoir. Je me permet de répondre sous votre commentaire. Car en vous lisant je me rappelle que pour ma part à l’hôpital lors du rdv anesthésiste on m’avais dit (je ne sais plus si c’est la sage femme de l’hôpital ou mon entourage) surtout tu dis bien que tu veux la péri même si tu l’a veut pas parce que si tu change d’avis au dernier moment et que dans ton dossier il est écrit « sans péri » l’anesthésiste ne se déplacera probablement pas si y’a du monde ou si c’est la nuit…!!!

      1. J’ai eu la même info. Je savais que je ne voulais pas de péridurale, j’ai une peur bleue des aiguilles, mais la sf qui me suivait en accompagnement global m’a bien précisé de ne surtout pas le dire en rv anesthésie et de rester vague

    2. Je me doutais qu’on serait assez d’accord.
      J’ai eu la chance de tomber sur une super anesthésiste pour ma dernière grossesse qui a conclu l’entretien par « Je vous souhaite une bonne fin de grossesse et un bel accouchement. Il n’y a pas de raison qu’on se revoit! »
      ça m’a fait tellement de bien de ne pas devoir me sur-justifier!
      Tu as raison, on ne devrait pas toujours avoir à justifier nos choix et se bagarrer pour les faire respecter!!

      1. Je pense que ta chance ici comme tu l’écris, c’est que tu sois tombée sur UNE super anesthésiste et que c’est certainement le fait que ce soit une femme qui a fait que son discours était moins moralisateur, décourageant, patriarcal ! Mais beaucoup plus empreint de soutien, « complicité », d’encouragement, de sororité (je crois que c’est le mot mais je ne le maîtrise pas encore bien).
        Et certainement que cette toute petite phrase, entendue à la fin d’une quinzaine de minutes de consultation, t’a donné une force supplémentaire pour croire en toi et en ton corps pour la naissance de Loni❤️

  6. Merci pour cet article très intéressant et instructif et je me rends compte encore plus que mes accouchements surtout le premier étaient plein de violences obstétricales. Je me souviens du sentiment d’echec de culpabilité.
    Il y a encore tellement de chemin à parcourir !!!

  7. Superbe article, il faudrait vraiment que les femmes puissent vraiment prendre conscience de tout ça pour pouvoir mieux choisir et se faire respecter. Il est clair que j’ai « subi » mon 1er accouchement car oui j’avais peur, peur notamment de cet inconnu. Pour le 2ème tout s’est tellement mieux déroulé, je me suis sentie actrice et je savais ce qui allait se passer donc je n’avais plus cette peur de la 1ere fois. Je suis fière que des femmes comme toi parle pour que ca change. Merci

  8. Excellent sujet et article, je crois que tu soulèves ici à la fois le problème féministe, et politique, car les 2 sont intimement liés. Je crois que les décisions médicales d’aujourd’hui sont avant tout liées à un système économique, mais celui ci n’ayant acquis ce poids que parce que la femme n’est pas considérée à sa juste valeur. En tout cas c’est édifiant, et tellement ancré qu’on finit par ne même plus s’en rendre compte… Ce en quoi ton article est d’utilité publique, vraiment !

    1. tout à fait les décisions sont économiques, mais également idéologiques comme tu l’évoques, il est question de la place et la valeur du corps des femmes

  9. Merci pour cet article qui fait bien le tour de la question.
    Le blog de Marie-Hélène Delahaye fait partie de ceux que j’ai dévorés pour me préparer à mon second accouchement en étant le plus actrice possible, après un premier accouchement qui a fini en césarienne pour stagnation du col et non engagement du bébé.
    Ce qui m’a pesé dans mon parcours c’est que j’ai eu l’impression d’avoir payé mon manque d’information initial, non seulement avec cette césarienne (dont je ne discute pas forcément la nécessité à l’instant T, mais qui aurait sûrement pu être évitée s’il n’y avait pas eu un enchaînement très classique d’éléments dont je sais à présent combien ils peuvent perturber le déroulement physiologique d’un accouchement…) mais aussi avec la restriction des choix possibles par la suite : pas de maison de naissance, par exemple, pour une mère à l’utérus cicatriciel… Pas non plus de salle nature ou de plateau technique dans mon coin, alors je n’ai pu compter que sur ma propre volonté à vivre cet accouchement de la manière la plus naturelle possible.
    Honnêtement, j’ai été traitée avec gentillesse et empathie. Mais ai-je été correctement accompagnée ? Je n’en suis pas si sûre. Je garde notamment un souvenir un peu mitigé de la fin de mon accouchement, quand je me suis retrouvée presque malgré moi en position gynécologique, avec une poussée dirigée… Comprenez-moi bien : on ne m’y a pas forcée, mais j’étais dans un état second, submergée par la douleur, et je n’ai pas su exprimer ce que je voulais quand la sage-femme, elle, s’est spontanément orientée vers ce qu’elle maîtrisait. La poussée a été un moment très difficile et j’ai finalement subi une épisiotomie. Là encore, je crois que c’était nécessaire, je n’arrivais pas à faire sortir la tête malgré tous mes efforts… Mais était-ce la bonne position pour le faire ? Pas sûr.
    Mes premiers sentiments à la naissance de ma fille ont été l’impuissance puis la culpabilité, alors même que j’avais réussi à nous offrir l’accouchement physiologique dont je rêvais. Il m’a fallu quelques jours pour faire la paix avec ça ainsi qu’avec d’autres sentiments négatifs liés à la douleur – seule à hurler dans tout l’étage, je me suis sentie un peu… insensée d’avoir choisi de souffrir. Et oui, j’ai eu un peu l’impression de déranger (la sage-femme qui est venue me voir à mon installation en chambre a eu ce commentaire : « Vous avez paniqué, hein ? » Ce n’était pas dit méchamment mais ça m’a blessée car ça ne correspondait en rien à mon vécu…).
    Ouh là, j’ai fait très long, mais tout ça pour dire que je suis 100% d’accord avec toi et qu’à mes yeux il est urgent que la réflexion s’engage plus généralement, et à un niveau politique. À l’heure actuelle j’en viens à me dire que mes « erreurs » profiteront à mes sœurs si elles accouchent un jour… Mais je voudrais que chacune puisse faire un choix éclairé qui lui convienne !

  10. Merci Deborah, merci mille fois pour cet article fleuve, documenté (merci pour les sources), qui compare avec ce qui se fait à l’étranger et qui ne se cantonne pas à la France, où, en effet, nous voyons l’accouchement et la grossesse comme potentiellement pathologique, avant de dire à posteriori que tout s’est déroulé de manière « eutocique ».
    Le patriarcat joue en effet pour beaucoup, mais la façon aussi de gérer la santé d’un point de vue financier quasi strictement. Et je trouve que nos dirigeants (politiques, directeurs d’établissement, cadres et autres) réfléchissent surtout à diminuer la masse salariale, quitte à certaines fois dépenser des fortunes en protocoles médicamenteux (déclenchement ici pour l’accouchement), matériel (forceps, ventouse, césarienne, épisio,…) sans trop se poser de questions sur ce qui coûte réellement le plus cher ! D’une, parce que ce recours aux techniques est ce qui est enseigné en France, et de deux (pour moi) parce que les lobbys pharmaceutiques inondent le marché en proposant des « produits et solutions miracles » qui feront que, si les femmes n’ont pas mal, elles seront moins demandeuses de soutien et d’accompagnement. Et par la même occasion, moins bruyantes !!!
    Voilà déjà pour les premières réflexions qui me viennent après ton article. J’aurai encore bien des choses à écrire (notamment sur la naissance de mes 2 garçons) mais c’est beaucoup trop long pour un commentaire ! J’espère vraiment qu’on aura l’occasion de se rencontrer prochainement pour échanger de vive voix sur ce sujet et tout ce qui entoure la parentalité. Ce sont tous ces témoignages aussi qui me motivent à construire mon projet d’accompagnement des jeunes couples dans cette période si particulière et importante d’une vie ❤️

    1. Merci beaucoup d’avoir pris le temps de déposer là tes réflexions, il est vrai que j’ai éludé la question du lobbysme pharmaceutique, car il me semble moins présent dans le champ de la naissance pure, mais tu as probablement raison, cette pression est présente.
      Cette volonté de faire taire les femmes, de les rendre « maitrisables » lors de leur accouchement n’est vraiment pas anodin

  11. Bravo Deborah pour ce bel article très complet et très engagé !
    Je te rejoins sur tout je crois, et pourtant, je me sens obligée d’apporter une certaine nuance.

    (Ce n’est pas du tout une critique, mais peut-être juste un apport)

    Quand j’attendais mon premier bébé, j’ai beaucoup lu sur l’accouchement physio, j’ai souhaité ne pas avoir de péri, être autrement que sur le dos, etc.

    Mais comme tu t’en souviens peut-être, j’ai subi (j’utilise ce mot en conscience) une césarienne pour une situation d’urgence vitale pour mon fils et moi. (Prééclampsie et prématurité + retard de croissance in utero).
    Et en ce qui me concerne, j’avais tellement lu de choses sur la réappropriation de mon corps que je m’étais préparée à fond à un accouchement physio. Cette césarienne, je l’ai vécue comme un échec cuisant. Comme une grosse claque. J’étais celle qui n’avait pas été capable de mener sa grossesse à terme ni de mettre son enfant au monde.

    Parce que non seulement le discours conventionnel de l’hôpital, mais aussi tous les discours qui abordent le retour des accouchements au naturel oublient aussi de rappeler que parfois (et plus souvent qu’on ne le croit), on a BESOIN de pratiquer une césarienne pour sauver une ou deux vies à la fois. Et dans ce cas, ce n’est pas une violence obstétricale, ce n’est pas un acte de « confort » (que je hais ce terme), ce n’est pas un abus du système surmédicalisé, c’est un acte de sauvetage. La césarienne n’est pas seulement pratiquée parce qu’un travail en posture allongée n’avance plus ou qu’on a dépassé un certain délai horaire. Parfois, le bébé est en souffrance, ou une pathologie grave se déclenche. Et à ça, on ne nous prépare absolument pas. Partout, la césarienne est balayée d’un revers de manche. ALors que ça concerne actuellement 1 femme sur 5. Alors sans doute que si on n’était pas dans un système aussi patriarcal, on réduirait ce taux, mais n’oublions pas la femme sur 10 ou 20 à qui ça arriverait quand même. Car ça peut tomber sur nous.

    Et ne pas en parler assez, ne pas prévenir les femmes, c’est une forme de violence par le silence. Car celles à qui ça arrive ont souvent beaucoup de mal à accepter cette situation et le traumatisme qu’elle représente quand on n’y a pas été préparée.

    1. Bonjour Sophie,
      Je me permets de répondre à ton commentaire. J’ai travaillé 10 ans en maternité (je suis Infirmière Puéricultrice, mais au début de ma carrière j’intervenais en salle d’accouchement et de césarienne dès qu’il y avait besoin) et depuis bientôt 5 ans en Néonat, donc auprès de petits bébés nés trop tôt comme le tien ! Je ne pense pas tout connaître de ce qui se joue lors d’un accouchement, ni même après, mais je pense avoir une bonne expérience tout de même (et un peu de recul je l’espère).
      Quand Déborah préparait son article et nous a demandé sur Insta ce qui était pour nous une violence obstétricale, ou un non respect de choix des femmes, j’ai répondu, entre autre, que le fait que l’équipe ne revienne pas après coup sur le déroulement d’un « accouchement catastrophe » ou d’une césarienne non programmée, était pour moi d’une grande violence et pouvait laisser une femme, un couple, une triade parents-enfant fragilisé, voire traumatisé.
      Je ne nie pas du tout qu’il faille certaines fois agir très vite, comme ça a dû se passer dans ton cas, et que dans ces situations on ne puisse pas prendre le temps d’expliquer ce qu’il se passe, ni ce qu’on va faire. Comme tu dis, il en va de la survie de la Maman et du bébé. Mais pourquoi si peu d’équipes prennent le temps de débriefer après ??? Ça ce n’est pas normal !
      Et je pense tout comme toi, qu’il ne faut pas éluder que, malheureusement, certaines fois, il peut être nécessaire d’avoir recours à la césarienne à tout moment (que le travail n’ai pas encore débuté ou que la Maman soit à dilatation complète). Lors des préparations à l’accouchement, tout comme la sage-femme devrait dire à la future maman de faire confiance à son corps, elle devrait aussi expliquer que, certaines fois, tout ne se passe pas comme prévu et que la nature peut nous jouer des tours. Il ne faut bien sûr, pas inquiéter outre mesure les futures mamans, mais ne pas leur cacher la vérité.
      Je me suis formée sur l’accompagnement de l’allaitement maternel (je suis consultante IBCLC), et quand je fais un atelier avec des futures mamans, je n’aime pas éluder les problèmes de démarrage de l’allaitement. Je préfère dire que les débuts peuvent être franchement galère, tout en donnant des conseils, astuces pour que ça se passe au mieux, plutôt que de partir du postulat que tout se fera naturellement comme on l’entend parfois (l’allaitement c’est naturel, c’est instinctif, tous les bébés savent téter, …). Pour moi, une maman avertie aura plus de facilités à affronter l’adversité, et saura vers qui se tourner si besoin. Elle ne se dira pas, en restant toute seule dans son coin, qu’elle est la seule à avoir des crevasses, engorgement, ou autre.
      Pour moi, le parallèle avec ce que tu décris est vite fait. Il faut que nous, profession médicale, informions mieux les patients que nous accompagnons. Je ne me sens plus trop à ma place à l’hôpital, car je trouve que nous sommes cantonnés à faire du soin de façon basique, sans expliquer, ni accompagner. On se hâte de « traiter des symptômes » sans prendre en charge, ni en compte la personne derrière le symptôme de façon globale.
      Aujourd’hui, je n’ai plus juste envie de soigner, mais de prendre soin et d’accompagner les gens pour qu’ils soient autonomes sur leur chemin !

      1. Merci Aube pour ce commentaire très riche et sincère.
        Effectivement il y a beaucoup de tabous autour de l’accouchement, l’allaitement, ou même les fausses couches, le fait de ne pas réussir à tomber enceinte etc… On entend souvent qu’il ne faut pas tout dire pour ne pas faire peur ou dégouter les femmes… comme si on avait trop peur qu’elles puissent arrêter de faire des enfants!! De quoi dépend la survie de notre espèce. Mais ne pas en parler ça n’aide pas les femmes, ça les rend juste vulnérables, seules et coupables lorsqu’elle rencontre une difficulté. Il est vraiment temps que cela change!! Merci à des sages femmes de se questionner et de se soucier de la santé affective des femmes et pas seulement physique!

      2. Merci beaucoup pour ton témoignage ! Comme je comprends ton ressenti, cette dissonance entre ce rôle de soignant et la volonté d’accompagner qui ne peut pas toujours trouver son expression pleine !
        C’est un sujet tellement complexe, au final, l’accouchement, avec tellement, mais alors tellement de variables entre l’histoire de chacun, le lieu, l’époque, les pathologies diverses qui peuvent court-circuiter tout ça… Mais c’est tellement enrichissant d’en discuter ! Je suis heureuse de voir comme la parole devient centrale dans cette époque pourtant étrange et terrible sur certains aspects : pas à pas, les femmes se parlent et apprennent de leurs histoires, j’ai foi dans cette démarche de parole guérisseuse en tout cas !

    2. Oui je suis d’accord avec toi
      Meme si c’est chouette de prôner le retour à l’accouchement naturel et inciter les femmes à se faire confiance il ne faut pas culpabiliser celles pour qui ça a foiré : ce n’est pas leur faute. A trop investir une naissance / lire / militer, on en oublie qu’on ne peut pas tout maitriser
      Je pense qu’il ne faut pas séparer maison de naissance = bien et à l’écoute de hôpital = usine à bébé
      Les sages femmes ont toutes la passion de leur métier et il faudrait juste leur laisser le temps travailler dans le calme y compris à l’hôpital
      La règle une sage-femme = un accouchement qui existe dans de nombreux pays simplifie bien des problèmes. Quand une personne reste avec vous tout le temps et est disponible le lien qui s’établit n’est pas le même.
      Il faudrait « juste » que l’hôpital en ai les moyens 🙁

      1. Je n’ai pas voulu diviser les lieux de naissance, on devrait remettre les femmes au centre du processus d’accouchement en tous lieux. Et oui évidemment je milite pour des meilleures prises en charge à l’hôpital, avec plus de personnel et de meilleures formations.
        Evidemment ce n’est pas la fautes des futures mères si l’accouchement se termine en césarienne. Et elle ne devraient pas avoir l’impression d’avoir raté quelque chose!
        Il ne faut pas opposer les femmes entre elles, ce n’est pas celles qui militent pour accoucher chez elles qui sont responsables du fait que d’autres aient un sentiment d’echec.

    3. Coucou Sophie,
      Je crois qu’en réalité nous sommes d’accord. Je ne nie absolument pas la nécessité du recours à la césarienne, je n’ai pas jugé utile de préciser ici les motifs de césarienne ou d’interventions d’urgence car ce n’était pas vraiment mon propos, mais je m’excuse si cela ressemble à une mise sous silence. Au niveau mondial on estime une nécessité de césarienne (voire vitale dans certains cas) pour 10% des femmes. La pré éclampsie est évidemment un cas vital, comme le placenta preavia, c’est exactement pour ce genre de pathologie que les femmes mouraient en couche. Bref je suis évidemment pour la médecine, le dépistage, la surveillance etc…
      En ce qui concerne ton ressenti après ta césarienne, je crois (dis moi si tu n’es pas d’accord) que ce qui est en cause c’est plutôt notre société patriarcale qui nous a tellement fait perdre confiance en notre corps que quand on a vraiment besoin de la médecine, on s’en veut à nous même… plutôt qu’à l’information sur l’accouchement physio. Ce que tu décris c’est aussi ce que ressente beaucoup de femmes après une fausse couche, une IMG, ce sentiment d’avoir échoué. Et ce n’est pas normal de ressentir ça. On devrait pouvoir se sentir pleinement compétente et capable et accepter l’aide de la médecine lorsque c’est nécessaire. On ne culpabilise pas autant pour une appendice. Oui il faut parler des pathologies, des risques de césarienne, il faut expliquer comment ça se passe et surtout suivre les couples après qui ont vécu un traumatisme sans minimiser la situation. Bref, tu me diras ce que tu en penses.

      1. Oui, nous sommes d’accord 😉 Mon commentaire n’était pas une critique du tout, plus un ajout sur le fait que la césarienne était souvent la grande invisible des contenus qui touchent à l’accouchement.

        S’il y a une chose que je retiens de ces expériences, c’est qu’effectivement, on ne peut pas toujours tout contrôler.
        Il y a un savoir ancestral dans notre corps, une magie (car ce sacré de la vie est fabuleux) dans le fait de porter et mettre au monde un enfant, malgré tout, nous sommes minuscules face à la nature qui nous dépasse parfois.
        Je suis pour les choix éclairés, pour le respect du droit des femmes à être actrices de leurs accouchements, maîtresses de leurs corps. Evidemment. Et je suis très admirative de votre engagement à toutes.

        Je suis aussi aujourd’hui plus consciente de tout ce qui peut arriver, et je ressens une gratitude immense d’avoir pu porter deux enfants dans une époque qui leur a permis de vivre, qui m’a permis de survivre.

        La parentalité est de loin l’expérience qui m’aura le plus fait grandir ces dernières années !

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