C’est devenu quelque peu difficile de s’exprimer ces derniers temps, à tel point que cet article traîne dans mes brouillons depuis une semaine.
Tous les discours sont scrutés, critiqués et je regrette que, ce qui nous reste de liberté, à savoir celle de nous exprimer soit tant mise à mal pendant cette drôle de période… Mais ce n’est pas le propos de mon article du jour. Et d’ailleurs cette tension, pour tout vous dire je la comprends et elle est palpable de partout, pas seulement sur la vie virtuelle. L’angoisse, la culpabilité, la peur se sont faufilées de partout, jusqu’à nos foyers. Je nous ai surprise avec Jérôme à nous engueuler comme du poisson pourri à savoir si oui ou non c’était impérieux de poser des affaires de bébé à ma sœur devant son portail. De même, tout en sachant qu’il n’y ai pour rien, je ne peux m’empêcher de lui faire la gueule chaque matin qu’il part au travail… Car je ne peut pas m’enlever de la tête que c’est une prise de risque pour lui et pour nous. On en vient à juger les passants dans la rue, à presser le pas quand la balade déborde de l’heure réglementaire… Il suffit d’un peu de hauteur pour prendre conscience du caractère à la fois surréaliste de nos comportements, mais surtout de la situation inédite que nous vivons. Nous n’avons pas appris à vivre confinés, nous n’y étions pas préparés et c’est normal que nous ne sachions pas vraiment comment nous y adapter.
Après cette introduction trop longue et un chouille hors sujet, j’en arrive à ce que j’ai envie d’aborder: mon expérience personnelle du confinement. Ah merde, vous vous attendiez à plus intéressant?? Désolée…
J’ai la très forte impression que le confinement met en lumière notre existence toute entière, elle creuse les reliefs déjà existants, de façon à se que nous puissions plus les ignorer. Je constate donc que cette expérience va me permettre de tirer quelques enseignements.
Est ce que je commence par le positif ou le négatif? J’hésite. Allez on va s’attaquer au positif.
Mes enfants
J’écris ça, après une journée où ils ont été particulièrement relous… et pourtant. Je suis obligée d’avouer que je les trouve géniaux (pas nécessairement aujourd’hui en particulier, mais de façon générale.) Tous à leur manière. Ils sont débordants d’imagination, de créativité , de ressources. Je suis fascinée par leur soif perpétuelle d’apprendre, de comprendre, tous à leur propre manière. Je me sens profondément chanceuse d’être au première loge de cette vie, au sens le plus strict du terme. De cette énergie qui les caractérise. C’est une leçon de tous les jours je trouve.
Je me également rends compte que j’ai de la chance qu’ils n’aient pas de difficultés d’apprentissage, et une volonté suffisante pour que le travail se fasse dans la bonne humeur. Je constate qu’ils ne s’ennuient jamais, et qu’ils sont toujours enthousiastes. Je les trouve forts, de s’adapter si bien à ce confinement, qui n’a rien de naturel pour un enfant (même avec un jardin).
Ma créativité
Cet emprisonnement physique et moral également, dans une certaine mesure, a réveillé ma créativité en veille. « Créativité », cela ne veut pas forcement dire talent ou innovation, en réalité la créativité, elle est partout mais elle est surtout en nous. Elle est là, lorsque nous cherchons une nouvelle façon d’expliquer quelque chose à nos enfants, ou lorsque l’on cherche à s’évader mentalement. Pour ma part, je me suis vraiment rendue compte que j’avais besoin de créer avec mes mains. Des petites choses modestes et peu présentables, un collage, des branches nouées en elles, un nouveau gâteau, une guirlande en tissu… surtout des choses qui ont émergées d’elle-même sans y être forcées par Pinterest ou Instagram. Les journées durant lesquelles j’ai fait quelque chose avec mes mains sont celles où mon moral a été le meilleur.
Ma maison
Il y a actuellement un fort clivage entre jardin/ non jardin ou ville/campagne. Pour autant, je n’ai pas envie de m’excuser de ce que j’ai, même si vous l’accorde, c’est plus confortable en période de confinement. Notre situation dans notre grande maison à la campagne, ce n’est pas le fruit d’un hasard, c’est une décision que nous avons prise. C’est le produit de concessions et sacrifices. Aujourd’hui cela semble être un luxe, mais il y a encore deux mois, on voyait surtout dans ma situation le côté inchauffable de ma maison, son réseau 4G inexistant, l’absence de commerce de proximité, de fibre, l’obligation de prendre la voiture, le désert médical, l’absence de vie culturelle, de bar branchés ou le manque d’écoles alternatives… C’est ce qui parait le meilleur choix en ce moment mais ce n’est pas celui de tout le monde en temps normal. Cela dit, personnellement… car n’oublions pas que je parle ici de moi (que c’est un peu narcissique mais ça a le mérite de n’engager que moi) ce moment me permet de me rendre compte que notre choix était le bon, non pas comme une vérité universelle applicable à tout le monde, mais pour nous.
Pour être parfaitement honnête, ce confinement me donne même encore plus envie de nature, d’isolement. Non pas par peur de contamination, mais parce que je touche du doigt en ce moment ce qui s’apparente à ma nature profonde et cela me permet de mettre en perspective des désirs.
La nature
Cela fait maintenant plusieurs années que j’ai replacé mon environnement et la nature de façon générale au centre de mon existence. Je constate aujourd’hui qu’il me serait impossible de faire autrement. Ce n’est plus un engagement, une croyance, une idée… c’est juste moi. Et cela rejoint d’ailleurs le point précédent. Je me sens profondément connectée au monde, à la nature alors que j’en suis privée. Je n’oppose plus l’humain à la nature, ni même le progrès. J’arrive à voir les choses dans leur globalité et leur extrême complexité. Et je me rends compte que pour moi, c’est simple finalement, je fais partie de la nature, et je me dois d’essayer de la préserver au mieux.
La consommation
Je m’en doutais un peu, car cela fait plusieurs années que je chemine vers cela, mais je suis fière de constater que je n’entretiens aucune frustration ou aigreur à ne pas pouvoir consommer.. Au contraire même, cela nourrit ma créativité. Nous sommes très loin d’être autosuffisants.. mais finalement, nous nous accommodons sans mal à cette sobriété.
Le temps
Avec trois enfants aux âges et besoins bien différents, une grande maison, cinq bouches à nourrir, l’école à la maison: on est assez loin de l’ennui. Mais il est certain que le temps s’écoule lentement. J’apprécie le fait de ne plus avoir d’horaires, de ne plus scruter ma montre ou avoir peur d’être en retard. J’aime ne pas presser les enfants également. Et finalement le peu de temps qui me reste pour moi, je ne le gaspille pas. J’ai considérablement réduit mon temps d’écran, par contre je prends le temps de passer de vrais coups de fil. J’ai eu le temps de bricoler et de faire chaque jour un peu de yoga. Je pense qu’il m’en manque encore… du temps pour moi. Surtout du temps de solitude. Mais je suis fière de savoir savourer pleinement les moments qui s’offrent à moi.
Mon couple
Nous avons commencé le confinement par une grosse remise à plat. C’était nécessaire. Je crois que nous avons besoin d’un nouvel élan, de nouveaux projets. Nous sommes tous les deux, individuellement, à des moments de nos vies où nous faisons un certain bilan, où nous nous remettons en question. Et l’immobilité de la situation nous donne l’impression de ne pas pouvoir avancer. Ce n’est pas forcement agréable. Ce confinement nous impose de nous confronter à nos difficultés, ce n’est pas un mal en soi, cela rendra obligatoire de travailler dessus, mais ce n’est pas le moment le plus propice. Je pense que cette épreuve va accélérer certain changements dans notre équilibre de couple et de famille. C’est en revanche rassurant de s’apercevoir que nos projets sont communs et nos aspirations dans la même direction.
La difficulté à me projeter
Je glisse doucement vers ce qui est plus difficile à vivre au bout de quasiment 4 semaine de huit clos. Je suis assez surprise (en bien ou en mal c’est assez difficile à définir) de voir à quel point nous arrivons à nous adapter à cette immobilité physique. En revanche, c’est très douloureux pour moi, ne mettre tous mes projets, toutes mes envies entre parenthèse. Cette absence d’issue créée un sentiment d’insécurité très fort en moi. Je le savais déjà, les projets me permettent vraiment de voyager dès leur élaborations… et ce voyage mental me manque terriblement.
La peur de l’après
Chaque jour un peu plus, je m’inquiète du monde d’après. Je vois se dessiner des divisions sociales importantes, des mesures politico-economico-sociales inquiétantes. J’ai peur des séquelles sur les familles en difficultés, des fossés qui se seront creusés. J’ai peur d’un encouragement vers la surconsommation. J’ai peur de retrouver un monde apeuré, muselé, frustré… Je ne suis pas certaine qu’il y aura la grande prise de conscience tant attendue. Et ce grand flou sur l’humanité d’après m’angoisse réellement.
Pour conclure,
Quoique l’on puisse ressentir en ce moment, de l’épanouissement à la colère, je crois qu’il en temps d’accepter nos émotions et d’enfin apprendre à nous connaitre sans nous juger. Nous avons le temps de faire ce chemin envers nous même, et c’est mon second plus grand souhait.
Mon premier souhait est évidemment que le bilan du virus soit le moins lourd possible. Car on l’oublierait presque de mon long discours mais ce qui sous tend toutes nos émotions et prises de conscience du moment, bien plus que l’enfermement c’est la peur de la mort… la notre ou celle de ceux que nous aimons. En réalité, c’est bien en cela que la situation a quelque chose d’aussi intéressante que paralysante, elle nous confronte à la vie: La notre, mais aussi juste le concept. Ce laps de temps qui nous sert d’existence, que nous espérons toujours la plus longue possible sans jamais réfléchir à ce de quoi elle sera constituée: à son sens. La santé reste notre plus grande inconnue dans cette drôle d’équation, et être confronté à cette réalité est une expérience en soi. J’espère donc vraiment, que vous allez bien, que vos proches également. Je vous et nous souhaite une bonne santé, comme on le fait au premier janvier mais avec la conscience de sa valeur.
(Je pense très fort à ma filleule Alice qui fête ses 9 ans aujourd’hui)
Je dois dire que je vis vraiment bien ce confinement. J’ai eu l’impression d’étouffer un peu au début parce que June demandait de l’attention sans cesse mais maintenant on a trouvé un rythme et on en voie vraiment pas les journées passer. On fais beaucoup de chose et même si nous vivons en appartement notre besoin de nature est comblé par notre jardin de balcon avec notre cerisier en fleurs, les semis dont on prend soin, la menthe qui pousse, l’observation des oiseaux à la jumelle, regarder chaque jour les arbres qui se couvrent de feuille…
J’ai chaque jour un moment d’énervement extreme quand je constate à quel point le confinement est peu respecté par mes voisins qui font jouer leur enfants ensemble et se font même des petits apéros dans l’espace vert de la résidence…ca oui ça me fou la rage, j’ai envie de les insulter depuis ma fenêtre.
J’ai aussi une pensée pour toutes ces familles chez qui sa doit être la guerre et ou les enfants, les femmes (ou les hommes) et les animaux de compagnie doivent faire les frais de colère accumulée…
J’ai aussi très peur pour la reprise, je pense que beaucoup de société vont y laisser des plumes. J’ai peur pour ma mère, ma soeur et les grands parents, car même après le confinement ils resteront à risque et le virus n’aura pas disparu, combien de temps devront nous attendre pour que la crainte se dissipe ? Et j’ai aussi très peur pour notre sytème de santé. Que va t’il se passer pour nos soignants qui étaient déjà au bout du rouleau et qu’on envoie au combat sans arme. Comment vont ‘ils sortir de cette période ? Lessivés, épuisés et toujours sans moyens et sans écoute du gouvernement ?
On se retrouve sur de nombreux points.
Et surtout sur cette crainte de l’après.. et les répercussions de cette crise
Tes pensées font écho aux miennes dans beaucoup de domaines.
Mon éco anxiété s’est considérablement accentuée pendant ce confinement, comme un état redouté de manière latente. Mes journées, et surtout mon état mental sont fluctuant.e.s. Je me suis donc progressivement coupée des sources d’information (Même si nous n’avons déjà pas de télévision) pour me recentrer sur les miens et mon travail (accompagnement de personnes dépendantes).
Et pour le côté positif, car il va bien falloir que cela nous fasse grandir, et que je pense être une positive inconditionnelle, cela nous a renforcé dans nos choix de vie. À savoir notre vie à la campagne, un changement de métier pour une orientation clairement humaine et utile, un mode de vie simple.
Difficiles toutes ces dissonances, bien pesantes ces temps ci, mais nous allons apprendre, grandir, en tous cas je l’espère fort.
Merci pour ces questionnements et pensées posés, ils font avancer.
Belle journée
Laetitia
Je crois qu’il faut accepter ce moral qui joue aux montagnes russes, et accueillir ses emotions comme elles arrivent sans les juger ni le refouler
Merci de prendre le temps de nous laisser tes mots sur cette période. Je te rejoins beaucoup sur notre « maison à la campagne » que beaucoup nous envient en cette période, sur la difficulté de ne pas pouvoir se projeter, la nature, nos enfants qui finalement s’adaptent mieux que nous…
Je crois que mine de rien, nous aussi, adultes nous faisons preuve de beaucoup d’adaptation et d’abnégation. C’est l’occasion d’être bienveillant avec soi-même
Quel texte. Je me retrouve sur certains points. Je me sens aussi raccord finalement avec les décisions que nous avons prises pour notre famille et nos projets a venir même en étant en tout petit appartement en pleine ville. Je n’oppose pas les deux dans mon esprit et je n’aime pas les clivages. Je rêve de vivre ensemble et de solidarité. J’ai l’impression qu’il y a beaucoup de mieux de ce côté et cela me donne de l’espoir. Ici le moral ça va plutôt bien. En même temps c’est peut être plus facile quand on grandit avec la maladie et la mort tout autour de soi. Pour moi ce virus ne change rien de ce côté là. Et j’ai envie de croire que la prise de conscience écologique va en enfin voir le jour à grande échelle.
Finalement tu as raison, tu es tristement partie avec une longueur d’avance, avec ce savoir que la vie est précieuse!!
Le petit espace, on le gère depuis longtemps, donc pas de mauvaise surprise. La preuve quand arrive 18h, on s’étonne tous les soirs que ce soit déjà si « tard ».
On jongle avec le télétravail, l’école à la maison (en pensant bien que la rentrée se fera en septembre comme au Portugal), les jeux, les cours de langue en ligne. Le sport est totalement abandonné. A l’abandon aussi les courses bio, on remplace par le drive, puis il y a aussi notre projet immo vente et achat. On fera avec les nouvelles conditions à venir, les taux ne seront plus ce qu’ils étaient. Le changement d’école est compromis pour septembre puisque nous n’aurons pas déménagé.
Nos voisins sont à tarter. Les gestes barrières, c’est comme pisser dans un violon. Ah par contre la plupart ont des masques FFP2 alors qu’ils sont retraités ou au chômage partiel (sans activité nécessitant le port de masque au sein de leurs entreprises).
Etonnamment il n’y a pas un bruit ni le jour ni la nuit, alors qu’on craignait que ce soit l’enfer de les supporter. C’est tellement calme, que même les hérissons habitués à venir dans la pelouse à 23h sortent de leurs cachettes à 21h.
Nos craintes résident dans l’isolement physique si l’un de nous est amené à être hospitalisé et l’agonie de la réa.
Donc confinement ou déconfinement, ces peurs planeront encore longtemps.
Je pense que les bonnes résolutions envisagées pendant la crise seront peu appliquées, vite balayées et pour beaucoup oubliées pour coller à la réalité économique mondiale. La surconsommation reviendra comme la nature … au galop. La crise économique contraindra les choix de consommation de ceux qui étaient les plus vertueux.
Oui comme toi je suis très sceptique sur l’après!
Quel article passionnant, je me questionne aussi énormément en cette période.
Merci vraiment pour ces mots 👍
<3
Merci pour tes mots Déborah, ça aurait pu être les miens dans tous les domaines dont tu parles. Je me réjouis de ce temps sans horaire, à regarder mes enfants imaginer des tas de jeux, à faire selon nos besoins et pas plus, à créer, cuisiner…mais le monde d’après m’angoisse beaucoup. J’espère réussir à ressortir, à me projeter…
Ton article est magnifique, merci
C’est super si tu arrives à voir le positif
Ta conclusion remet tout dans le contexte…
Prenez bien soin de vous…
A bientôt,
Charlotte.
<3
tu as dit ce que je pense tout bas, merci pour tes mots, même s’ils ont été difficiles à nous envoyer..
comme toi j’habite dans une maison à la campagne, avec un grand jardin (où je passe tous les après midi), un village loin de bourg, et je suis presque heureuse de cette parenthèse confinesque (ça se dit?), parce que cela me questionne beaucoup. Si seulement cette période pouvait inspirer les politiques et les financiers à eux peu plus de solidarité..mais je rêve..
Je pense bien sûr à tous ceux confinés en appartement, en ville, comme mes enfants, en télétravail ou pas, et je compatis à leur manque de liberté. (mais les Parisiens affluent en Bretagne (ou en montagne), bizarre, pense tu qu’ils aient compris ce que le mot confinement veut dire?)
Je te rejoins sur la manque de projet de voyages (si on peut le dire ainsi), car comme toi, dès que le projet est enclenché, ce sont déjà les vacances et cela est bon pour le moral..mais je commence à penser à Noël, oui, réunion de famille (nous sommes tous éparpillés loin les uns des autres); cela nous permet de nous voir tous dans une capitale européenne..alors ne perd aucun espoir, les voyages reviendront un jour..
bon WE pascal, Débo, avec enfants et chéri, et prenons soin de nous tous
C’est super dur ce manque de projet!