Cet article est dans mes brouillons depuis tellement longtemps, que j’ai bien failli l’oublier. Ce n’est pourtant pas faute au sujet qui est passionnant. Pour introduire ce nouvel article inspiré de l’actualité et du féminisme, on va revenir brièvement sur le patriarcat. Pour rappel, on nomme patriarcat l’ensemble de pratiques et de croyances sociales qui distinguent les genres et avantagent socialement et économiquement le genre masculin (à condition qu’il soit blanc, hétéro). Je suis certaine que vous comprenez de quoi je parle. On est toutes et tous d’accord que le patriarcat oppresse les femmes en les cantonnant à des tâches et métiers définis, en les payant moins, en les rendant plus vulnérables. Les femmes sont désavantagées économiquement et ce sont également majoritairement les victimes de violences infligées majoritairement par des hommes.
Quand on a dit ça, on peut penser avoir tout dit. Ca se résumerait grossièrement à: Les hommes sont les champions et les femmes les perdantes. Nombreuses féministes pensent d’ailleurs comme ça. Personnellement ce qui m’a ouvert les yeux c’est que j’ai des fils.
Et je suis obligée de constater chaque jour qu’ils ne sont pas si avantagés… Je vais évidemment vous expliquer pourquoi. Mais en gros pour vous spoiler si vous avez envie de passer direct à la conclusion, cet article a pour but d’expliquer que le patriarcat est une oppression pour tout le monde et que la domination ne profite à personne. Cette discussion c’est aussi l’occasion de proposer aux hommes qui ont peur du féminisme de réfléchir concrètement à ce que le patriarcat induit dans leurs vies… et donc réaliser que les conséquences du système de domination en place est plus délétère pour eux que le féminisme.
Allez on y va? Car du coup, là c’était l’introduction (oui, et un peu la conclusion)
L’enfance des garçons
On va tout logiquement commencer par le commencement, et donc l’enfance. Et là vous allez vraiment comprendre que ma réflexion est issue des expériences personnelles vécues avec mes garçons. On a tous plus ou moins conscience des stéréotypes de genres qui incombent aux enfants dès le plus jeunes âges. Et à ceux qui pensent que ce temps là, des garçons bagarreurs et des filles rêveuses est révolu, je vous assure que ce n’est pas le cas. En ce moment je note au moins une fois par jour des injonction de genre à destination des enfants (à l’école, crèche, télé, radio, dans la rue etc).
On a effectivement avancé en décloisonnant les stéréotypes de genre féminin. Aujourd’hui on est presque tous à l’aise avec le fait qu’une fille fasse du foot, s’habille en bleu, porte des shorts, aime bricoler, fasse du judo, ait les cheveux courts… Pour la faire simple on accepte volontiers que les filles adoptent des comportement plutôt genrés masculins car rappelons le, ce sont ceux qui sont valorisés. Ce qui fait que oui, même si les filles subissent encore des tonnes d’injonctions dont la plupart sont plus diffuses et inconscientes, elles jouissent aujourd’hui d’un éventail des possibles plus large dans les pratiques.
Est ce qu’un garçon peut porter une jupe, faire de la zumba, mettre du vernis, se faire des couettes, porter du rose, jouer aux petits poney.. Ah là l’affaire se corse. Et les parents qui encouragent les garçons à explorer ces champs dits féminins sont perçus comme militants… Alors que ce n’est pas dingo comme possibilités quand on y réfléchi.
De plus, aujourd’hui encore, le groupe des pairs masculins est plus virulents sur les codes à adopter pour être un vrai garçon et ce dès le plus jeune âge. Ainsi un garçon sera carrément mis à l’écart s’il pratique un sport « de fille », s’habille « comme une file » etc. Car si être un « garçon manqué » est perçu comme un écart de genre plutôt positif et acceptable, faire « comme une fille » est toujours perçu comme une défaillance et une faiblesse. Et le groupe des pairs masculins est très performant dans le recadrage des petits garçons.
D’un point de vue factuel, il est toléré beaucoup moins d’écart de genre pour les petits garçons que pour les petites filles. On peut donc en conclure que le patriarcat ôte plus de libertés aux garçons qu’aux filles dans les pratiques en enfance.
Privilège sociale mais séquelles psychologiques
On va rapidement proposer aux garçons des jeux qui mobilisent le corps, des jeux d’extérieur, des jeux bruyant. On va leur apprendre de façon diffuse à prendre de la place (dans l’espace et en temps de parole). Ils vont apprendre les codes du pouvoir et de la domination. On ne va en revanche que peu les encourager à l’empathie, à l’exploration des émotions, au prendre soin. On va les encourager à faire des sports collectifs, et les habitués très vite à adopter des codes sociaux masculins, mais aussi la compétition et la rivalité. Les garçons vont donc se construire psychologiquement en se conformant aux attentes masculines (pas de pleurs, peu d’expression des sentiments, peu d’attention aux autres..). Et ces injonctions comportementales ne sont pas très bonnes pour le moral (euphémisme).
Cela a des conséquences réelles et même mesurables. Savez vous que le taux de suicide chez les hommes est trois fois plus élevé que pour les femmes? Que le taux de mortalité plus élevé chez les hommes peut s’expliquer par les comportements à risques qui sont genré masculins? (conduite à risque au volant, alcool, bagarre)
Les femmes meurent sous les coups des hommes à cause du patriarcat, les hommes quant à eux meurent directement à cause du patriarcat.
On observe également que les petits garçons sont plus présents dans les cabinets des pédopsy ou autre spécialistes de l’enfance. Cela peut certes s’expliquer par un soin plus grand des parents envers leurs garçons, mais aussi par un mal-être plus important chez les garçons.
La Pression de la domination
La socialisation des garçons les encourage à la domination et la réussite. Ils se doivent d’être en haut de l’échelle, d’être chef de famille, de gagner plus que leur femme etc. Or on sait très bien qu’il n’y a pas tant de place e haut de l’échelle, ce qui produit énormément de frustration.
Cette course masculine à la performance en tous domaine, en plus d’être vaine est extrêmement fatiguante, prenante moralement et surtout vide de sens. C’est une énergie perdue et négative qu’on demande aux hommes de fournir quotidiennement. C’est un réel cercle vicieux, qui produit de la colère, du manque d’estime, de la violence.
Si on sait que c’est les hommes qui tapent et violent, et que les femmes en sont les victimes. On sait que c’est eux qui remplissent à l’écrasante majorité les prisons. Mais on se questionne moins à savoir quel est l’impact de cette violence dans le cerveau et la vie des hommes. Que doivent-il faire de cette haine inculquée? Car j’imagine que ça ne doit pas être très confortable d’être programmé à la violence. Et plus important, comment casser cette chaine de transmission de la domination qui est délétère pour tous? Personnellement en tant que mère c’est vraiment une question que je me pose.
Comment se libérer du patriarcat en tant qu’homme?
J’attaque la dernière partie de cet article et pourtant il y aurait encore tant à dire. J’aurais par exemple adoré développer pourquoi cette socialisation différenciée des filles et des garçons fait des ravages dans le couple hétéro. Peut être quand j’aurais du temps j’y consacrerais carrément un article.
Mais venons en à ma conclusion. Comment faire pour que les hommes s’émancipent du carcan patriarcal dont y sont prisonnier?
Premièrement, en prenant conscience du patriarcat, des mécanismes de la sociabilisation. D’accepter que nous ne sommes pas uniquement le produit de notre personnalité et notre éducation, que notre culture a une part immense dans notre construction.
Deuxièmement, en acceptant être les privilégiés d’un système bien huilé. En admettant avoir participer à de l’oppression et à avoir joui de la domination, car le cas d’absolument tous les hommes (gros boulot en perspective)
Et enfin, une fois qu’on n’a déconstruit tous ses automatistes, qu’on a réévaluer tout ce qu’on pensait normal. L’homme va pouvoir faire la partie la plus cool du chemin: se reconnecter à lui-même! Pourquoi pas, explorer ses émotions, découvrir l’écoute des autres, accepter la tendresse, et se réconcilier avec lui-même. Pourquoi c’est chouette pour lui? Parce qu’il va pouvoir s’autoriser à être lui avant d’être un homme. Et ça, en tant que femme on sait que c’est vachement précieux.
Ma conclusion à moi, c’est qu’on devrait tous, hommes comme femmes s’indigner de ce système binaire de domination. Dans l’idéal on devrait être unis pour le combattre. Il faudrait selon moi, non pas que les femmes accèdent autant que les hommes au sommet de la pyramide, mais bel et bien qu’on détruise la pyramide. Et cela rejoint ma vision de l’écoféminisme, si vous vous souvenez.
Sources:
Tu seras un homme féministe mon fils
l’ingénieur et l’infirmière le cœur sur la table
Le cout de la virilité résumé par Mediapart
Merci pour cet article très bien argumenté et qui donne une autre perception du patriarcat, qui pour beaucoup (d’hommes) ne serait que délétère pour la femme.
Travaillant dans le soin psychique auprès d’enfants je ne peux que confirmer les dégâts des stéréotypes,valeurs,exhortations, ancrées dans la tête des jeunes garçons.
Tu sais écrire des mots justes qui, je suis sûre, peuvent avoir un impact sur ceux qui les liront.
Je suis convaincue des dégâts psychologiques et c’est une facette du sexisme très peu analysée.
J’ai été une petite fille très « garçon manqué » et tout le monde était trés cool avec ça. J’ai fait des études scientifiques, je bosse dans l’informatique, et je n’ai pas la sensation d’avoir du combattre pour accéder à ses milieux où les femmes sont minoritaires. Avec mon expérience, j’avais donc un regard très faux sur la société, me disant qu’on avait pas mal avancé. Et comme toi, je suis mère d’un garçon. Quelle claque !! Il n’y a pas beaucoup d’espace pour les petits garçons qui n’aiment pas jouer au foot et on les larmes aux yeux le matin au moment de la séparation. Finalement, être un ‘garçon manqué’ n’est pas vraiment un problème, car on embrasse les codes de la masculinité, on va vers ce qui est valorisé dans la société. Ce n’est pas un hasard s’il n’y a pas de termes équivalents chez les garçons, car en fait c’est une position impossible à tenir pour un petit garçon. Il n’y a pas de ‘fille manquée’, il y a des petits garçons qui mettent mal à l’aise certains adultes. Et c’est tellement triste ….
Je ne dis pas que c’est plus facile d’être une fille, loin de là, mais je te rejoins : le patriarcat, c’est hyper violent pour les mecs aussi.
Ton commentaire est d’une très grande pertinence et je te rejoint complètement
Merci Déborah pour ce bel article documenté et argumenté. Une autre fenêtre du patriarcat tout aussi délétère. Jusqu’à récemment j’étais maman de filles. Ce n’est pas facile de casser les stéréotypes dès l’entrée à l’école. Mais à force de discussions on y arrive à peu près. Depuis peu je suis aussi maman d’un petit garçon. Et là, je crois que cela va être encore plus difficile de casser ces stéréotypes.
Il y a du travail, c’est à nous parents d’entourer et d’aider nos enfants à grandir et à se construire, mais qu’est ce que c’est dur quand la société et les croyances bien encrées nous mettent pas mal de bâtons dans les roues.
Dans l’enfance la pression pour les garçons est vraiment très forte je trouve
Merci pour cet article qui met le doigt sur la vérification.
Maman de 2 garçons, coexistent dans un monde d’hommes (motion designer à la tv), je suis très sensible à cette problématique.
Chaque jour, j’essaye de ne pas classer mes fils dans le genre masculin et de leur permettre d’être tout simplement.
Je me permets de relayer votre article.
<3
Oh mais oui !!!!
Je ne eux pas d’un féminisme dont le but est de rentre la femme dominante… et ainsi continuer ce système d’oppresseurs/oppressés… on aurait rien gagné !
Merci pour cet passionnant ! 💕💪🏻
Complètement
Il faut sortir de cette dualité
merci de livrer votre réflexion, c’est vrai, ça pèse aussi tant sur les garçons. Et jolie conclusion !
<3
Merci pour cet article qui prouve que rien n’est jamais noir ou blanc, c’est important de souligner les nuances !
Absolument
Merci pour cet article !
<3
Très bel article qui me parle beaucoup! Je rejoins totalement ton point de vue.
Maman de filles, j’ essaie au maximum de casser les stéréotypes, et vu qu’ elles sont petites, c’ est assez facile je trouve. Elles sont réceptives, adhérent, comprennent.
Pour les petits garçons, certains en tous cas, cela ne doit pas être toujours facile. Me revient en mémoire un Noël où on avait offert une petite cuisine au neveu de mon mari. Les parents du petit et toute leur famille sont très ancrés dans le patriarcat. Le petit n’ a pas eu le droit d’ y jouer car ce n’ est pas pour les garçons… maintenant, 4 ans plus tard, il a des problèmes de développement, et l’ entourage dit « ce n’ est pas grave qu’ il ne soit pas intelligent, il reprendra la ferme de son père, il s’ en sortira toujours. » Toute difficulté est niée. En tant que future psy (reconversion en cours), je ne supporte plus tout ça, ces enfants détruits par leur entourage. Tellement de dégâts de fait sur les petits garçons!
En tous cas, Merci pour ces articles riches et pleins de réflexions!!!
Si c’est plus tolérer que les filles soient accepter en tant que garçon manqué c’est par ce qu’elles ont des caractéristiques « d’hommes » et c’est bien vu par la société ! Tandis que les petits garçons qui ont des caracteristiques de « filles » et bien ses caractéristiques sont honteuse! C’est la honte d’être une fillette alors qu’un homme ça passe!, tous se ramène toujours au fait qu’on pense les filles inférieures !
Encore un bel article qui ouvre les yeux et fait réfléchir, merci.
Il est légitime de souhaiter déconstruire les rôles de genres. La tradition, la culture et la société jouent un rôle important. Cela étant, l’effet de la testostérone, tant durant la vie embryonnaire que par la suite, est immense sur le comportement masculin, les choix de carrière et la psychologie des individus. Tout homme a été une femme durant les 6 premières semaines post fécondation, avant que les androgènes ne transforme l’embryon en garçon, physiquement et aussi psychologiquement. L’influence de la société est, certes, importante, mais les hormones sont ce qui pèse le plus dans les différences entre les sexes.