La semaine dernière, je suis retournée dans l’université que j’ai fréquenté quatre ans pour récupérer un diplôme… oui 12 ans après, il n’est jamais trop tard.
Je devais n’y passer qu’une dizaine de minutes, j’y suis en réalité resté plus d’une heure, à me perdre dans les bâtiments et dans mes souvenirs.
Tout est un peu remonté, ce temps à la fois proche et lointain. Mais surtout une foule de sentiments, de sensations que j’avais complètement oublié.
Ce qui est revenu en premier c’est le malaise, cette impression ne pas trouver sa place dans ce lieu trop grand, trop impersonnel, trop fréquenté. En quelques minutes, j’avais déjà envie de m’enfuir. Je me rends compte aujourd’hui, à quel point j’ai du prendre sur moi à cette époque pour encaisser chaque jour ce malaise qui était d’une grande violence pour moi. Je ne sentais en profond décalage avec tous ces étudiants qui déambulaient parfaitement à l’aise, je me sentais très différente. Peut être aussi était ce accentué du fait que j’étais déjà installée de façon stable en coupe, contrairement à la majorité des étudiants.
Très vite ensuite, ce qui est remonté c’est cette injustice à toujours être perçu comme une glandeuse en fac de photo ou d’anthropologie… Moi je faisais les deux, deux fois plus de préjugés sur ces filières si peu professionalisantes. Mais passer deux licences en même temps c’était 30h de cours et autant de boulot à la maison. C’est du baby-sitting deux soirs par semaine et le tai chi chuan entre midi et deux. Les options transverses que j’avais pris en plus car « histoire du féministe » et « littérature jeunesse » c’était vraiment trop intéressant. L’année de maîtrise, j’ai rédigé mon mémoire sur la photographie de famille tout en faisant de 20h hebdomadaire de garde d’enfants dans une famille de 4 enfants et 4h de ménage dans une autre famille. J’étais tout, sauf une glandeuse. Je crois même que je n’ai jamais autant appris et travailler de ma vie. J’étais dans une sorte de jouissance intellectuelle car tout ce que j’apprenais me passionnait. Mais c’était contre balancé par ce sentiment d’être dans une fac de touristes qui allaient finir au chômage. Quand j’ai signé mes registres pour récupérer mes diplômes j’ai constaté que je les avais tous eu avec mention… Je ne m’en souvenais plus. A l’époque je me trouvais désespérément nulle et inintéressante. J’aurais envie de prendre cette Debohra dans mes bras pour lui dire que c’était bien et que même si elle n’avait pas de reconnaissance extérieure, elle pouvait être fière d’elle… vraiment!
Quand je me suis perdue dans les couloirs, j’ai croisé de nombreuses jeunes femmes. Vous pensez peut-être que je me reconnue en elles mais pas du tout. Ce qu’elles ont réveillés c’est toute cette envie, cette jalousie que je pouvait ressentir. La fac c’est clairement le moment de ma vie où j’ai été la plus aigrie. Je me comparais à tout le monde. Je ne supportais pas la précarité de ma vie étudiante, j’enviais les filles à papa, j’enviais celles qui faisaient des voyages à l’autre bout du monde. Mais ça ne s’arrête pas là, j’enviais aussi celles qui étaient hyper militantes, qui organisaient les manifs et portaient les banderoles. J’enviais celles qui avaient un super style vestimentaire. J’enviais celles autour desquels tous les mecs gravitaient… Je me sentais digne d’aucun intérêt, je me trouvais moche et jamais bien looké. Avec le recul, je me dis que c’était quand même l’époque je vivais pour le snowboard, où je bossais pour m’acheter mon forfait saison. J’aurais pu jouer cette carte, celle de la rideuse branchée… C’est fou je crois que la Debohra de la fac n’y a même pas pensé.
Il a fallu y retourner pour me rendre compte à quel point je n’étais pas faite pour ce monde et à quel point cela devait me demander une énergie quotidienne. Pourtant j’aimais tellement apprendre, je n’ai jamais autant aimé apprendre que là bas c’est certain. Les années fac n’ont jamais ressemblé pour moi, à l’image que l’on peut s’en faire, aux soirées, à la glande, aux copains… J’étais complètement à côté de tout.. Ces années ne riment pas avec bonheur, ce fut des moments de doutes intenses où j’étais abonnée au spleen. Pour autant je crois que j’y ai beaucoup grandi, c’est à ce moment que je suis devenue adulte, l’ université a participé à me construire. Je n’avais plus (ou pas) consciente de ce mal être si grand pendant ces années. Mais lors de cette visite cela m’a tellement sauté aux yeux que je ne pouvais plus l’ignorer. Je ne sais pas encore bien à quoi cette heure passée là bas m’a servie mais j’ai la certitude qu’elle avait quelque chose de thérapeutique. D’ores et déjà je peux tirer de ce petit retour dans le passé, une satisfaction à me sentir beaucoup plus libre et épanouie aujourd’hui, beaucoup plus à ma place aussi. Je constate que j’ai gagné en confiance en moi et que je me suis complètement débarrassée de ce drôle de sentiment qu’est « l’envie ».
Vous me raconter un peu, vous comment c’était vos études? Ou alors si vous avez eu des années de flottement à un autre moment de votre vie?
Bonjour Deborah
Je me reconnais tellement dans ce post, ça me parle beaucoup car c’est exactement ce que j’ai vécu moi-aussi, en fac de Langues (encore pire peut-être que photo ou anthropologie 😉 entre 18 et 21 environ… J’étais coincée, timide, pleine d’idées et d’énergie, mais qui je ne laissais pas s’exprimer, comme c’est dommage!! En même temps, c’est l’âge où comme tu dis on se construit comme adulte. Puis, à 21 ans, de belles rencontres, des activités intéressantes (des cours de dessin) et des personnes qui m’ont acceptée et valorisée telle que j’étais, moi, avec mes défauts et des qualités que je ne soupçonnais pas, et à partir de là, j’ai pris mon envol. Je dis souvent que je me sens mieux à 40 ans qu’à 20, mais c’est justifié: quelle période de doutes, de recherche de ce qu’on est, de ce qu’on veut, c’est difficile!!
Bravo pour ce texte, cette confidence de toi, qui me/nous touche toujours nous lectrices.
Je me sens mieux à 35 qu’à 20 ans ça c’est certain
bravo pour ce billet, tu as eu des années d ‘études très remplies, je t’admire d’avoir pu enchainer petits boulots et tes licences/maitrises, et d’avoir obtenu des mentions alors que tu ne te sentais pas bien..
pour moi, des études longues, la première année avec un concours, puis des années mi fac mi hôpital, je n’ai jamais ressenti ce que tu écris, car nous étions dès la 3/4ème année plongés dans le monde du « travail ».. En plus j’étais chanceuse, pas de petits boulots pour survivre..merci à mes parents..j’avais la vocation, mais cela a passé très vite, hélas,
bon mercredi Débo
Merci ça me touche
Personnellement, je ne suis pas passée par la case FAC. Les études d’éduc se font dans une école privée où il n’y a que des cursus du social. Du coup, on fait beaucoup de stages… Bref, rien à voir avec la fac. Mais j’ai eu beaucoup de retours de copines qui m’ont dressé le même tableau que toi. En tous cas : bravo à toi ! Ca a du te demander énormément d’efforts de mener tout ça de front (surtout en étant pas hyper épanouie…).
A bientôt !
<3
Ben pour moi tu étais vraiment la rideuse branchée, belle et intelligente! Je te trouvais vraiment super et encore aujourd’hui ! comme quoi tout est une question de point de vue !
J’ai beaucoup pensé à toi ce jour là et clairement tu étais ma bonne de sauvetage! Tu as été très précieuse pour moi dans ce monde qui me semblait trop étranger.
<3
OH LALA , c’est drôle de lire tes mots et de m’y retrouver. je n’étais pas aigrie vraiment mais je me sentais décalée. Première année d’information communication, avec des filles à papa justement, un contenu qui me déplaisait, des crâneurs, beaucoup . Des étudiantes si belles , si sûres d’elles avec leur beaux vêtements et leurs cheveux blonds lisses quand je frisottais désespérément et que j’avais honte de mon visage boutonneux.
Virage total au bout d’une année triste et études des langues et civilisations, j’adorais, je bossais comme une folle en rêvant de devenir bilingue, trilingue. Et puis les angoisses au milieu de tout ça. Finalement, je rencontre un garçon qui va me porter , me supporter, je décroche une maîtrise et je rencontre le chômage. Je galère trois ans. . Aujourd’hui , 25 ans plus tard (aie) j’adore mon métier, épuisant nerveusement et je pense à me spécialiser , peut être grâce à cette maîtrise si chèrement acquise…Ce garçon est mon mari, le père de mes trois enfants. et le meilleur papa du monde. Sans la fac, je serais passée à côté. Tu étais drôlement courageuse en tous cas, quelle volonté tu as eue!
Merci pour ce témoignage <3
Tu es superbe sur ces photos !!
Moi la fac… j’ai adoré ! Fac de pharmacie pour ma part avec un échange erasmus au milieu et c’était du bonheur ! Je suis parfois nostalgique de cette période même si ma vie aujourd’hui me comble, j’aime à me rappeler cette période… d’insouciance ! Pourtant je suis sûre que sur le moment je n’étais pas si insouciante que cela. Il y avait la fac, les amis, les soirées, le club de basket et les inventaires de nuit dans les magasins pour gagner un peu de sous, les étés entiers passés à travailler à la chaîne à l’usine dès que les partiels étaient finis!
Je suis toujours très liés avec mes amis de cette époque et c’est agréable de se voir grandir, évoluer… mon seul regret c’est la distance car aujourd’hui on est un peu éparpillés. Mais ton article tombe juste en même temps qu’un message d’un de mes amis qui veut organiser des retrouvailles dix ans après notre sortie de la fac !
J’ai adoré ces années mais je comprends qu’elles puissent être aussi éprouvantes pour beaucoup, c’est souvent un gros changement dans la vie: partir de chez ses parents, se retrouver seul dans une grande ville. Ce qui m’a aidé c’était d’être dans une petite fac et d’avoir fait de belles rencontres.
Je trouve cela chouette pour toi que cette petite heure t’ai permis de réfléchir à ces années et d’en ressortir fière !
Super ton expérience! j’avais beaucoup de copines comme toi, hyper épanouie
Les années fac ?
J’étais en arts plastiques à Aix-en-Provence, j’habitais dans une super résidence étudiante privée. J’avais la pression de réussir pour ne pas creuser le puits sans fonds des frais.
J’ai redoublé, j’ai raté les concours.
Mais c’est dans cette vi(ll)e que j’ai rencontré celui qui allait m’emmener vivre à Paris … puis Marseille (d’un coup, la magie retombe – riiiires -).
Dans mon entourage un seul étudiant en fac, qui en est sorti cette année, a réussi grâce à l’alternance. Tous les autres ont pris le chemin des prépas, des grandes écoles, ou alors la fac mais de droit ou de médecine. Donc rien à voir avec la fac que j’ai connue … et ne m’a pas généré de revenus .
C’est terrible ce mal être, je crois que tu le traine encore aujourd’hui, sous une autre forme. Pour ma génération il fallait aller travailler rapidement pour ne plus couter à ses parents donc après un CAP au bureau à 16ans 1/2. Plus tard jeune femme j’ai fréquenter des filles un peu plus jeunes qui avaient été en fac, pour moi c’était une merveille d’avoir pu avoir une ouverture d’esprit grâce à une instruction supérieure. J’ai donc été attentive à ce que mes fils puissent le faire et ma fierté aujourd’hui c’est qu’ils soient ingénieurs diplômés. J’habitais Paris dans un quartier populaire, je ne comparais pas aux autres, cela était c’est tout. Sans doute un milieu trop modeste pour envisager autre chose.
Savoure ce que tu as, progresse à ton rythme regarde juste ta route et soi heureuse avec. Il y en a tellement qui on si peu et avec aucun espoir. Tu es tellement riche d’amour et d’intelligence, c’est formidable. Profites de tout ce qui offert.
Rideuse, en couple, 2 cursus en parallèle…
Clairement, si je t’avais croisé a cette époque, je t’aurais envié très fortement.
Ces années sont des années de construction pour tout le monde, peu importe ce qu’on renvoie. Les apparences versus la réalité des situations et des ressentis…
J’ai beaucoup envié, voire jalousé… aujourd’hui plus, parce qu’en vieillissant, j’ai réalisé que tout cela c’est bien souvent des projections liées a nos propres frustrations ou « critères de réussite » et pas a la réalité propre à chacun.
C’est toujours intéressant de te lire, ça nourrit la réflexion. Belle journée.
Je partage le même sentiment que 100drine : j’ai adoré mes années fac, parfois elles me manquent encore !!
Mais les sentiments que l’on ressent ne sont pas toujours ceux perçus par les autres…Peut être que s’en t’en rendre compte les autres étudiants te trouvaient courageuse, sérieuse, sportive et bronzée ( : , intelligente….Il me semble que c’est de cette façon que je t’aurai perçu
Ton post résonne en moi avec beaucoup de force : après des années lycées épanouissantes, j’ai opté, faute de choix dans l Université de ma ville, pour un DUT Techniques de Commercialisation, moi qui avait tout sauf l’âme d’une commerciale… J e ne cessais de déprimer (jusqu’à faire un malaise un jour dans le bus), en plus , j’étais entourée d’étudiants hyper-motivés par le cursus et ne me sentais pas du tout à ma place…seuls les stages en entreprise m’apportaient une bouffée d’oxygène, c’est d’ailleurs dans le cadre d’un de ces stages que j’ai rencontré mon futur patron, il m’a fait confiance et j’ai intégré une jeune agence de communication où nous avions tous quasi le même âge et le même entrain, l’impression de revivre un peu mes années lycée, l’indépendance financière en plus ! Deux années de galère qui m’ont finalement permis d’évoluer dans le milieu professionnel qui me correspondait ! Merci pour ton partage.
Moi j’ai fais 1 an de fac de bio, ou comme je n’ai pas un bac S, je ne comprenais rien aux cours et en plus cela ne me plaisait pas…j’y suis arrivée par erreur. Mais je bossais mes concours d’infirmière en meme temps. Puis 1 an de fac d’histoire car j’aibtoijours adore ça et qu’il fallait bien une porte de secours…j’ai bossé, appris plein de choses..mais la vie de la fac j’ai détesté. Je me sentais seule pas du tout raccord avec ce système, comme toi. Puis j’ai enfin eu le sésame pour entrer à l’ifsi. Et la j’étais dans mon élément. Je manquais encore confiance mais j’aimais ce que je faisais. J’ai bossé en meme temps a partir de ma 2 ème année d’étude car je pouvais travailler comme aide soignante et j’ai beaucoup appris et surtout pris confiance en moi ce qui m’a beaucoup servi dans les stages ensuite. Mais je préfère ma vie de maintenant qu’il y a 20 ans….je me sens plus confiante en moi.
C’est un billet très touchant et personnel que tu nous livres ici.
Finalement, on idéalise beaucoup les années fac mais moi aussi j’ai trouvé que c’était difficile d’y créer du lien. Encore plus dans ma petite fac de province où beaucoup d’étudiants prennent le train et ne participent pas à la vie du campus, s’engouffrant dans une rame à peine les cours finis !