Je n’ai pas appris à m’excuser dans mon enfance. Je ne me souviens même pas qu’on m’ait demandé de m’excuser après avoir bousculer un autre enfant. On me grondait ça c’est certain mais je ne crois pas qu’on attendait de moi des excuses. Ce dont je me souviens parfaitement c’est que mes parents ne demandaient pas pardon, ni l’un envers l’autre, ni à nous, les enfants. Ce n’est pas un reproche, ni une critique, ils sont leurs propres histoires et personnalités. Mais ce que je veux dire c’est que je n’ai pas eu d’exemple en la matière.
Ce fut donc un chemin assez caillouteux pour moi cet apprentissage. Sans vraiment en avoir conscience j’avais intégré le fait que demander pardon était un aveu de faiblesse. S’excuser c’était se mettre à nu, se montrer vulnérable et donc donner à son interlocuteur un moyen se profiter de sa faiblesse. C’était donc dangereux ces quelques mots.
Ce qui est compliqué c’est que tant qu’on n’arrive pas à demander pardon on s’enferme soi-même dans un mensonge. Celui d’avoir eu raison ou que ce n’est rien, alors qu’une autre partie de soi sait que c’est faux. Ne pas présenter d’excuser c’est aussi et surtout le refus définitif de se pardonner à soi-même… d’être en paix.
Quand j’ai rencontré Jérôme, je trouvais sa facilité à demander pardon et donc à se pardonner à lui même déconcertante. Pourtant je ne crois pas non plus qu’il ait appris ça avec ses parents. Parfois, souvent même, j’étais en colère contre sa faculté à pardonner aux autres. Parce que tout cela est lié j’en suis convaincue, quand on sait demander pardon, on apprends à se pardonner et donc naturellement à excuser ceux qui ont pu nous décevoir.
Les premières fois que j’ai demandé pardon, je n’ai pas réussi à le dire, alors je l’ai écrit. Petit à petit j’ai réussi à faire en sorte que ça devienne plus facile. Et aujourd’hui je suis persuadée que c’est essentiel à ma vie, à LA vie même. J’ai pris un grand recul, et je constate que les personnes qui ne savent pas reconnaitre leurs tords ne sont pas plus forts. Au contraire ils sont enfermés dans leurs certitudes et n’ont accès à une vision du monde que très tronquée. Et j’ai d’ailleurs une théorie toute personnelle à ce sujet; je suis persuadée que les individus qui n’arrivent pas à s’excuser, ont une réelle peur d’accéder à une vision plus large du monde, car justement cela risquerait de trop ébranler des certitudes qui les ont fondés. D’autre part, assumer ses tords les reconnaitre et donc s’améliorer sont évidemment des qualités qui aident à grandir et s’épanouir.
J’ai donc eu envie, puisque l’on peut choisir d’acquérir cette compétence. Et effectivement cela a, briques après briques déconstruit quelques murets de fausses croyances.. surtout sur moi d’ailleurs.
Si j’ai décidé de vous parler de cela aujourd’hui c’est parce que cette rentrée a été un vraie tourbillon, le rythme et l’équilibre à retrouver sont difficiles. Nous ne vivons pas nos meilleurs moments en famille, pour plein de raisons contextuels qui sont liées au covid, à toutes ces adaptations qu’il faut accepter, à tous les changements auxquels nous avons été confrontés. Mais nous sommes également ébranlés par l’avenir qui semble incertain, par nos projets de changement qui bien que stimulant sont énergivores. Et puis nous sommes tous, de façon différente juste fatigués. J’ai conscience que c’est une période, et que surement dans quelques jours (ou semaines) cela va s’améliorer. Mais en attendant ce qui m’aide, c’est justement le pardon.
Alors certes, j’ai l’impression de ne faire que m’excuser auprès de mes enfants, et c’est forcement un peu culpabilisant de ne pas arriver à faire mieux. Mais quand ils m’accordent leur pardon, je retrouve inévitablement un peu de paix intérieure. Je m’excuse à longueur de journée de ne pas être patiente, de ne pas être très drôle, de ne pas être disponible. Je m’excuse même de ne pas avoir envie de jouer avec eux, ou de m’être énervée, d’avoir crier. Dans un monde idéal, je serais homogènement parfaite en toute période. Mais nous le savons toutes, nous ne vivons pas dans un monde idéal, alors savoir demander pardon c’est une sacré chance.
J’ai beaucoup réfléchi à tout ça cet été, lorsque je réalisais le challenge 30 jours pour positiver. Le défi sur le pardon m’a bousculer, il fallait apprendre à se pardonner soi-même, et je vous assure que c’est une belle leçon.
Je serais ravie d’échanger avec vous sur ce sujet. Est ce que vous arrivez facilement à présenter des excuses? Et à vous pardonner vous-même?
Merci pour ce beau texte et cette partie de toi que tu assumes.
Ce post me remue énormément carje me suis reconnue dans le fait de ne pas arriver à demander pardon.
Tout comme toi, j’ai l’impression que cela montre ma faiblesse, mes torts. Parce que je ne m’ai déjà pas une grande estime de moi et qu’en rajouter une couche ne ferait que m’enfoncer !!! Apprendre à me pardonner est encore loin devant moi.
Et pourtant moi aussi, il faudrait que je demande pardon à mes enfants pour les mêmes raisons que toi, à mon conjoint pour mon manque de communication pas facile à vivre…
Promis, je vais tenter, certainement maladroitement, de demander pardon.
Encore merci pour ce post !
Bon début de semaine 🙂
Ce n’est vraiment pas chose facile, mais je trouve que ça vaut le coup
Ta réflexion est très intéressante.
Pour certains (c’était avant un peu mon cas), le fait de s’excuser est presque une politesse automatique après avoir fait une connerie. C’est parfois un mot un peu vide de sens, pas du tout connecté à l’émotion qu’il est censé contenir. Tu dis pardon et pfiouuut, tu passes à autre chose, tu as utilisé le mot magique. (Sauf que l’autre n’est pas vraiment passé à autre chose si l’échange ne dépasse pas ce stade).
(Finalement, on retrouve le même problème avec les politesses de tous les jours, les merci et s’il te plaît.
Remercier sincèrement quelqu’un en ressentant de la gratitude, c’est autre chose que le merci qui ponctue les phrases de façon automatique.)
La notion de pardon est assez liée à celle de la culpabilité. Moi, c’est la culpabilité qui m’a longtemps polluée, qui me pollue encore. L’impression de devoir m’excuser pour tout, parce qu’on m’a inculqué cette posture de coupable, en quelque sorte. (Et pas de façon volontaire, c’est un peu une posture sociale, familiale, qui est ancrée dans des fonctionnements qui datent).
J’ai lu des petites choses sur la bascule entre culpabilité et responsabilité. Ça m’a beaucoup aidée. Les excuses sincères et constructives ne sont pas celles du coupable, mais celles de quelqu’un de responsable.
Et ça rejoint ce que tu dis de l’idée de se pardonner à soi-même. Apprendre à assumer un acte, à accepter d’avoir fait quelque chose de « mal », d’avoir causé du tort, d’avoir fait une erreur, mais ne pas s’autoflageller pour autant, tirer un apprentissage de cette expérience pour essayer de s’améliorer, reconnaître son tort vis à vis des autres et éprouver un certain engagement à progresser. C’est sortir de la honte et de la colère contre soi-même qui tourne un peu en boucle, pour aller vers la compréhension de nos actes (on a toujours une raison pour agir de telle ou telle façon), aller vers l’apprentissage et l’évolution, en fait.
Belle journée à toi !
Ah oui je n’avais pas réfléchi au côté automatique et du coup vide de sens.
Ta phrase sur la responsabilité est très vraie.
Il faut effectivement différencier la culpabilité et la responsabilité
Merci Deb une nouvelle fois pour ce sujet passionnant.
Je pense que je suis comme toi, j’ai eu beaucoup de mal à m’excuser, j’ai encore du mal à le faire aujourd’hui parfois.
Ton analyse est très pertinente sur ce que le pardon peut nous offrir, à l’autre mais aussi à nous.
Je rejoint aussi Sophie dans le commentaire précédent, on a également tendance à s’excuser pour tout.
Je me relie donc à ce que j’ai vraiment appris en CNV et qui m’a été redonné ce week-end dans l’atelier auquel j’ai participé : l’intention, quelle est l’intention que tu mets dans chaque chose que tu fais !
Oui tu as tout à fait raison, ce qui est important c’est la sincérité et l’intention
C’est un concept assez fort le pardon, de soi ou des autres.
J’ai tendance à (plus) facilement accorder le pardon aux autres, jusqu’à ce que je rencontre quelqu’un qui me faisait du mal et s’excusait de suite. Et si tu avais le malheur de ne pas accepter ses excuses, eh bien je me retrouvais à être la méchante et prétentieuse. J’ai maintenant pleinement conscience que j’ai connu un être toxique et pervers, mais sur le moment (et quelques années encore après) ça ébranle pas mal ta vision du pardon…
Quant au fait de moi-même dire pardon, je crois que je suis née dans la même famille que toi 😉 Mon mari ne m’a pas fait progresser sur ce point et j’avoue qu’encore aujourd’hui, dire pardon est pour moi un aveu d’échec et de faiblesse
Tes mots me font beaucoup réfléchir et j’espère vont m’aider dans cette vision du pardon.
Merci pour ce bel article (je lis tous les autres mais parfois laisser un commentaire est plus difficile, car cela fouille profond dans les émotions…)
Oui le pardon peut vraiment être mal utilisé et il parait que c’est l’arme chouchou des pervers narcissique…
Mais lorsque nous le présentons avec sincérité c’est très diffèrent.
On va dire que le pardon est encore un travail de tous les jours. Jusqu’à il y a très peu, je ne me suis pas rendue compte que je ne savais pas le faire mais a chaque petite dispute ou incompréhension la tornade s’abbattait sur moi . Au final j’étais bien la seule à en souffrir. J’ai beaucoup observé mon entourage, beaucoup travaillé surmoi et j’ai trouvé la piste. La même piste que toi: le pardon!
Pas toujours encore facile mais au final ce que je reproche souvent aux autres, c’est ce que je me reproche à moi-même alors j’essaie de me créer ma petite bulle de pardon et ensuite de la partager avec les autres.
Et sinon oui la période est aussi compliquée ici. Tout va trop vite. L’après covid boulverse un équilibre qui avait déjà été dur à trouver lors du confinement.
Je me reconnais tout à fait dans tes mots, moi aussi je suis sujette aux grandes tempêtes émotionnelles qui m’enferment dans mes convictions.
Je suis enseignante avec des tout-petits. Dans ma classe, quand un petit fait mal à un autre, je commence par rappeler la règle (« on ne tape pas, taper c’est interdit ») et on va tout de suite demander pardon à l’autre. Le petit qui a fait mal se rend compte qu’il peut consoler l’autre avec une parole et la « victime » se sent entendue. Comme j’ai 3 mordeuses, griffeuses cette année dans ma classe (à cause du covid, moins d’échanges avec d’autres enfants pendant 6 mois), on entend beaucoup de pardons dans ma classe !
oui j’imagine
Bonjour je suis assez d’accord sur le post précédent pour « les excuses vides de sens » j’ai eu 1 exemple à la maison. Je suis peut-être hors sujet mais je continue, je n’ai jamais compris les gens qui ne s’excusent jamais! Pour moi c’est une sorte d’arrogance… trop sur de sa personne. Le pardon et s’excuser étaient la base de l’éducation pour mes parents et certainement pour moi aussi même si je ne veux pas me l’avouer.
Ton post me donne un autre regard sur ces personnes dont le mot pardon n’existe pas.
Merci..
c’est intéressant de comprendre que les personnes qui ne s’excusent pas ne le font pas juste par fierté mais aussi parce qu’il n’arrive pas à accéder à la reconnaissance de leurs tords en eux même…
Bonjour Déborah,
J’ai fait il y a quelque temps l’expérience du Cercle de pardon, il n’y a rien de religieux la dedans. Une expérience du pardon à soi, aux autres et monde qui nous entoure. Il existe un livre d’Olivier Clerc « Le don du pardon ».
Dire pardon me permet d’avouer mes faiblesses et de ne plus me cacher, et entendre pardon de quelqu’un est pour moi une autorisation de sa part à le voir dans sa totalité avec ses failles et donc à être entière avec lui.
J’ai vécu cette expérience très fortement, surtout pour le pardon à moi même. Cela m’a fait prendre conscience que je l’accordais plus aux autres qu’à moi même. Et puis, chacun son rythme! Je t’embrasse!
ça devait être super intéressant et enrichissant!