Le Mythe de la mère hystérique

Encore un article non prévu au programme, mais je remarque que c’est souvent ceux qui vous plaisent le plus. Alors je n’hésite même pas.

J’ai envie d’aborder un mythe autour de la mère (et du père aussi mais peut-être en moindre mesure, en tout cas je suis moins apte à en parler). Je suis certaine que vous vous y êtes déjà confronté à ce mythe culturel d’une puissance telle qu’il touche tous les domaines de la vie en société: la mère a une tendance hystérique.

Je n’en doute pas, c’est très certainement hérité de nombreuses années à considérer la femme dans son ensemble comme un être irrationnel. D’ailleurs sachez que le mot « hystérique » a été inventé par des hommes pour qualifier des femmes qui n’avaient que pour seule pathologie de leur échapper. D’un point de vue de la connaissance et probablement aussi physique. Sans compter que « hystérie » vient du mot grec « utérus »… Enfin bref, je m’éloigne du sujet. Je pensais d’ailleurs avoir choisi ce terme un peu hasard, mais je m’aperçois que non, c’est vraiment de cela que veut parler: Un comportement irrationnel, dirigé uniquement par des émotions exacerbés qu’on réserve aux femmes.

Aujourd’hui, heureusement on n’attaque plus (ou juste moins) les femmes en les qualifiant d’hystériques. Pourtant je remarque que la société (ça veut dire « nous » ) s’en donne toujours à cœur joie lorsqu’il s’agit de définir les mères.

Je vous donne des exemples, vous me direz si vous vous reconnaissez dans certains. Attention, je ne fais pas des généralités, il y a aussi des personnes extrêmement bienveillantes à l’égard des mères et j’ai moi même eu l’occasion d’en rencontrer, et en fonction de la façon dont vous êtes entourée, il y a des chances que vous ne vous y retrouviez pas du tout. Je parle d’une certaine pensée générale qui oriente le regard que nous posons sur les mères.

  • Ça commence à l’accouchement, vous voulez mettre au monde votre enfant, que ce temps vous appartienne, on vous répond que vous n’y connaissez rien, que vous êtes inconsciente, incapable. Que ce que vous ressentez ou savez n’a donc pas de valeur puisque vous n’êtes presque rien, seulement une femme qui devient mère.
  • Ça continue dans les premiers mois, où vous allez recevoir nombre de conseils que vous n’attendez pas. Si vous êtes en désaccord, ou juste en marge de la pensée dominante, on va vous qualifier de folle, d’inconsciente (encore), de marginale, de capricieuse, de personne qui a besoin de se faire remarquer.
  • Le pire étant chez le médecin. Lorsque vous SAVEZ, vous SENTEZ que votre enfant ne va pas bien, que là il faut consulter, faire des analyses, hospitaliser… Et que de la secrétaire au chirurgien en passant par tous les employés de santé, vous allez vous entendre dire que vous vous inquiétez pour rien, que vous vous affolez pour vos poussins comme vous n’êtes qu’une mère.
  • D’ailleurs on ne va pas se gêner pour vous demander de sortir pour poser une perfusion ou faire une prise de sang, car les mères hystériques paniquent leurs enfants. Si vous vous y imposer vous deviendrez pathologiquement hystérique.
  • La chose va continuer avec l’école, où vous serez systématiquement qualifiée de pénible si vous voulez savoir comment s’est passée la journée de votre enfant.
  • Si vous demandez un rendez-vous pour faire suite à une situation qui a eu des répercussions sur votre enfant, il est probable qu’on vous laisse entendre que vous exagérer, que vous êtes trop protectrice… en bref que vous êtes irrationnelle.
  • Si vous avez le sentiment que votre enfant est différent, que son mode de pensée ou de compréhension du monde le handicape dans notre modèle de pensée unique, il vous faudra vous battre pour obtenir un diagnostic.. car la mère est farfelue c’est bien connu.

Je suis sure que vous trouverez d’autres exemples pour compléter ma liste. Les miens touchent essentiellement le médical et le scolaire, est ce que cette idée dépassent ces deux institutions ou y est cantonnée? Je ne sais pas.

Est-ce un concept français de retourner l’amour d’une mère, et donc sa capacité à lui vouloir du bien, contre elle? Ou bien c’est une pensée plus générale qu’on retrouve dans d’autres pays? J’ai tout de même l’intuition que c’est très culturel, mais c’est probable que cela se retrouve dans la plupart des sociétés patriarcales. Car ce qui est certain c’est que c’est un bon moyen de contrôler les mères en les rendant par définition instables et aveuglée par leur émotions: donc en proie aux doutes et à la culpabilité sans relâche.

Ce que cela induit par les force des choses: c’est que pour se faire entendre dans ce monde, on est obligées de devenir un peu hystériques, de taper du poing sur la table, de demander un énième rendez vous auprès du médecin, de l’instit pour qu’à défaut de nous prendre au sérieux, ils décident enfin à prendre la situation en charge juste pour qu’on leur fiche la paix.

C’est donc un véritable cercle vicieux. Si au contraire on admettait et respectait notre qualité de mère à prendre soin de nos enfants en les connaissant parfaitement, on ne serait pas obligé d’en faire des tonnes. On pourrait même dans un monde idéal valoriser notre intuition, ce truc qui fait si peur, mais qui est pourtant au cœur des relations que nous entretenons avec nos enfants. On pourrait faire confiance en ce savoir des femmes qui fait non pas leur faiblesse mais plutôt leur force.

21 réflexions au sujet de « Le Mythe de la mère hystérique »

  1. Merci pour ce billet. Il fait grand écho en moi… Malheureusement!
    Dur dur de se faire respecter en tant que mère, parfois même au sein de sa propre famille 🙁

  2. Bonjour Déborah,
    Merci pour cet article! C’est sujet qui m’intéresse beaucoup aussi… en tant que mère et femme! La société patriarcale dans laquelle nous évoluons toutes (ou presque) est également mon angle de réflexion : comme les femmes sont définies d’une telle manière , elles sont « émotionnelles » et donc irrationnelles puisqu’on oppose toujours réflexion et émotion (Sandrine du blog S comm C avait écrit un article intéressant sur le sujet https://blog.scommc.fr/il-ny-a-pas-de-difference-entre-raison-et-emotions/) alors leur parole est dévalorisée! J’avais aussi lu qu’un même comportement (par exemple parler fort) était étiqueté différemment en fonction du genre ainsi pour les hommes ce serait un signe d’autorité et pour les femmes « d’hystérie » parce que dans l’imaginaire collectif du patriarcat une femme est un être doux et calme… Pour en revenir au cercle vicieux que tu décris si bien (et tellement de fois vécu) non seulement ça ne nous permet pas d’être entendue puisqu’on est étiquetée (« vous êtes trop émotive » > cri > hystérique donc parole disqualifiée) mais en plus on ne peut pas en sortir… à partir du moment où la parole de la mère n’a pas de place face à ceux qui savent mieux qu’elle évidemment… Je n’écris pas un commentaire très positif mais je suis surtout en colère de constater cela… Merci d’avoir mis des mots dessus!
    Belle journée,
    Jessica

  3. Coucou,
    Il est intéressant ton article, j’y sens un peu de colère vis à vis des gens qui cherchent à mettre dans des cases et à décrédibiliser le sentiment parfois irrationnel mais souvent juste d’une mère.
    Et tu as raison.
    Ça rejoint plus globalement la considération de problèmes féminins par des hommes, en fait. Des hommes d’autorité, souvent, médecin, directeur d’école, prêtre (si l’on traverse les siècles). Bon, ok, beaucoup de femmes jugent aussi les autres femmes de nos jours, mais elles sont elles aussi tellement imprégnées d’une vision patriarcale !
    Pour moi, l’hystérie, ça me fait penser à la façon dont on jugeait autrefois les femmes aux émotions instables en période de règles, notamment, c’est lié à notre cycle.
    Or, on le sait aujourd’hui, les variations d’humeurs au cours de ce cycles sont naturelles et normales. Mais si différentes de la linéarité masculine que ça n’a pas été accepté. La pilule et les hormones se sont chargées de réguler tout ça, hein, au passage…
    Bref, je m’arrête là, mais je comprends pleinement ton propos.

  4. Je crois qu’il faut quand même nuancer par génération et « type » d’individu… effectivement les hommes d’un certain âge détenteurs d’un « savoir » et donc de l’autorité ont tendance à faire ça mais les mentalités changent. Le directeur de l’école de ma fille est comme ça mais pas les maîtresses. Les « vieux » médecins sont comme ça mais pas les jeunes… j’ai fait des études médicales et on nous rabâche à longueur de temps « faites confiance à la mère » pour creuser un diagnostic chez un tout petit qui semble « normal ». Si ton médecin te prend de haut, change ! Trouve une femme de 30 ans qui te correspond.
    Idem pour l’école, si c’est compliqué va voir l’école privée. Pourquoi se limiter à un truc qui ne te convient pas ? Visiblement ils n’ont pas l’intention de t’écouter et de faire différemment, pourquoi essayer de déplacer des montagnes ?
    Moi ce qui m’agace +++ ce sont les professionnels de l’enfant qui ignorent le père. La garderie du mercredi qui laisse 3 messages successifs en 3 h sur mon tel pour dire que la miss a vomi sans penser à contacter son père. Dommage j’étais en cours (=portable en silencieux) à 100 km alors que son père était à 5 min et aurait pu quitter le boulot. La secrétaire du médecin qui pense que tu ne travailles pas le mercredi et donc te proposes systématiquement un rdv en pleine journée. Comme si tu étais la seule à pouvoir t’y coller

    1. Je suis tout a fait d’accord avec la violence qui est faite aux pères en les ignorant. Je n’ai jamais eu de retour sur mon hystérie (qui est pourtant parfois manifeste 😉 ), peut etre parce que mon médecin traitant est une femme, jeune, qui nous fait confiance. Mais je me souviens des médecins à l’hôpital se tournant systématiquement vers moi alors que mon mari est là. Idem à la crèche ou à l’école, le 1er coup de fil est toujours pour la maman. Il doit être bien difficile ensuite pour les papas de prendre confiance en eux et en leur place. Y a des progrès à faire !

    2. Mon médecin est géniale mais je sens toujours un regard jugeant sur les mères, j’ai amené quelque fois mes enfants aux urgences et je me suis toujours sentie obligée de me justifier « je ne m’inquiète pas pour rien d’habitude…  » ou des formules du genre.
      Pour le regard sur les pères c’est un autre sujet et c’est tout à fait vrai!!

  5. Concernant les médecins, je ne pense pas que leur sentiment de supériorité s’applique uniquement aux mères. J’ai vécu cela en étant très malade, j’ai rencontré successivement plusieurs médecins/ chirurgiens qui pensaient savoir mieux que moi ce que je ressentais. Résultat, 3 opérations et 8 mois de grave maladie pour une appendicite au départ. Le problème est dans la formation qu’ils reçoivent je pense. Les conséquences sont graves.

  6. Cet article me parle car j’ai vécu il y a peu une situation qui m’a bien énervée !
    Ma fille qui avait 15 mois à l’époque avait de la fièvre et c’était la première fois. Je n’étais pas inquiète mais mon mari si. Je n’arrivais pas à le rassurer et il tenait absolument à aller voir un médecin. Comme c’est autant sa fIlle que la mienne et qu’on l’élève ensemble, j’accepte d’aller voir un médecin. On commence la consultation et mon mari explique qu’elle a de la fièvre et qu’il est inquiet.
    La médecine l’ausculte et a le même diagnostic que moi : rien de grave et à part la découvrir, l’hydrater et traiter la fièvre, il n’y a rien à faire.

    Parfait ! Sauf qu’elle a passé toute la consultation à me parler à moi (et ignorer totalement mon mari!) et à me faire la morale car « madame il va falloir arrêter de vous inquiéter pour rien, c’est votre premier… » avec un ton très agaçant et ricanant « dis donc ça va pas être facile si vous vous inquiétez comme ça à chaque petite fièvre … »
    Et lorsque j’ai essayé de protester un peu ou du moins d’expliquer que je n’étais pas inquiète mais que c’était mon mari (oui jétais prête à me désolidariser 😀 ) : elle ne m’écoutait absolument pas !! Je suis sûre que sur ma fiche il est maintenant inscrit « mère inquiète »
    Mon mari était choqué aussi qu’elle ne le considère absolument pas !
    On n’a pas remis les pieds dans son cabinet !
    Et mon nouveau médecin est beaucoup plus à l’écoute et moins prompt à cataloguer / juger !

  7. Tu le sais ma Deb j’ai totalement adoptée l’expression de Nico « hyppie hystérique » c’est pas pour rien. On fait des choix assez éloignés de nos normes sociétales et j’ai des positions bien tranché sur ma vision de ma parentalité (certainement trop tranchée par moment) Je prend beaucoup de distance avec ce que me dit le corps médical et je me fais confiance !

  8. Bonjour Déborah,

    Ce besoin de faire rentrer les femmes en général dans une case, spécifiquement dans ce rôle de mère que beaucoup (d’hommes ?) cherchent à stéréotyper, est très bien décrit dans l’excellent livre de Mona Chollet « Sorcières ».

    Merci beaucoup pour vos articles toujours très sincères !

    Excellente journée 😊

  9. On en impose moins par rapport à la force physique, a priori et par le fait que l’on est pas la voix grave d’un homme… du coup souvent il faut hausser le ton pour se faire entendre. Moi je passe pour l’histerique même dans ma famille et mon couple parfois. C est fou.
    Par contre notre pédiatre est une femme et elle est génialissime…
    A l école de mes filles, que des femmes, la plupart mamans aussi, j’ai beaucoup de chance!

  10. Article très intéressant qui est très vrai. Pour partager mon expérience : je vis aux États Unis pour quelques années et ici c’est très différent. Les parents peuvent s’exprimer librement et on ne leur dira jamais qu’ils exagèrent aussi bien à l’école que dans le milieu médical et ça libère beaucoup. On est plus en confiance et quand il y a des soucis c’est plus facile à gérer notamment pour l’école.

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